Crise aux Antilles-Guyane 26/03/2009

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Crise aux Antilles-Guyane 26/03/2009

Inter-Entreprises a en stage en ce moment une jeune antillaise qui souhaite devenir journaliste. Nous lui avons demandé de "couvrir" la conférence de presse organisée par le LKP à Paris, Quai de la Gare, lundi dernier. C'est son premier papier.

Ah contradiction quand tu nous tiens! Alors que le but principal du CLKP (continuité lkp) et des membres du LKP est de démontrer que ce collectif ne se fonde pas sur un principe de racisme et donc d'exclusion, la conférence de presse s'ouvre sur ce que j'appelle "le chant de guerre du LKP" (la gwadeloup sé tan nou, la gwadeloupe sé pa ta yo, yo péké fè sa yo vlé adan payi en nou...). Paroles qui me semblent peu à propos vu les circonstances mais enfin.
Le premier à intervenir est Raymond Gama qui dans une langue très scientifique et se fondant sur une pléiade d'auteurs des siècles précédents nous donne un véritable cours d'histoire sur l'origine du racisme. Une vraie litanie de définition nous assaille, même le principe d'aliénation de Fanon y passe mais l'idée principale est qu'il ne veut pas accepter "une définition occidentalisé ou européo centrée du racisme qui ne fait pas état de la réalité guadeloupéenne". Doit on comprendre par là qu'il y a un principe raciste spécifique à la Guadeloupe qui diffèrerait des autres? Si c'est le cas je ne partage pas cet avis. Mais il est intéressant de noter que cette définition qu'il élude est celle qui consiste à dire que le racisme est le fait de mettre en évidence une différence, plus ou moins visible, afin de tirer parti de la hiérarchie qu'elle engendre. Selon moi, ce rejet n’est pas anodin car ce qu'Elie Domota a fait c'est bien mettre en évidence une différence afin d'obtenir ce qu'il veut. Cela dit, je pense que les propos du communiqué parlent d'eux même et que la justification apportée à l'attitude du leader du LKP n'en est que le reflet. La victimisation. C’est vraiment dommage dans le sens où les revendications du LKP sont légitimes et n'ont pas besoin de se fonder sur l'éternel et agaçant duel victime/bourreau. L'Histoire nous a montré que ce qui fait la force d'un mouvement social se situe dans la mise en avant des possibilités, des capacités et du potentiel réel des opprimés. La lutte de Gandhi, Nelson Mandela, Martin Luther King et j’en passe, aurait elle été aussi concluante s'ils n'avaient eu comme seul et unique argument les séquelles du passé? Ces peuples se seraient ils trouvés grandis par leur victoire en sachant qu'elle aurait été acquise par un sentiment de pitié suscité chez l'oppresseur? Je ne crois pas, mais il faut l'admettre c'est bien la logique du LKP. Bref je m'égare, Gama retiendra la notion de racisme du tunisien Albert Memmi qui considère que "le racisme est le refus de l'autre au nom de n'importe quelle différence". La définition parle d'elle même je crois.
Mis à part ce cours d'histoire qui pour moi n'a servit qu'a discréditer l'action menée, les membres du LKP légitiment les propos d'Elie Domota en disant qu'ils ne sont pas différents de ceux du président : "la France on l'aime ou on la quitte". Les bras m'en tombent. Justifier une mauvaise action par une autre mauvaise action, mais où sommes nous?! On se croirait dans une compétition où celui qui gagne est celui qui porte le plus atteinte aux libertés fondamentales. Aimer la Guadeloupe serait adhérer corps et âme aux idées du LKP ? Aimer la Guadeloupe serait adhérer encore un peu plus à l'uniformisation de la pensée ? Les membres du collectif se disent en continuité avec la pensée de Chamoiseau et de Fanon mais n'avaient ils pas leurs propre conception des Antilles?
Vient alors l'intervention de Max Evariste qui lui, détaille les mesures prises par l'accort Binot et en fait l'éloge. "Les membres du groupe Hayot couraient après nous pour nous dire de les laisser signer à la fin"...les partisans rigolent...je m'enfonce dans ma chaise. Cela dit j'ai compris une chose grace à cette intervention: les deux vitesses de la Guadeloupe que les membres du collectif veulent éradiquer ne sont pas sociales mais uniquement salariales. Or ces dernières sont selon moi plus urgentes à régler et permettraient par la même de supprimer les premières.
Le dernier intervenant dressa l'historique du collectif, ce qui je l'avoue ne m'a pas intéressé. Une phrase m'a cependant fait rire intérieurement: "Il n'y a pas eu un seul accident de voiture ou d'altercation entre voisin lors de la grève". Vu l'état des routes et le besoin de nourriture ca ne m'étonne pas mais quand on y pense bien c'est faut. Si je me souviens bien un accident a eu lieu à cause d'un barrage vu au dernier moment par un conducteur mais bon, ne chipotons pas.
Puis, et là je suis tombée plus bas que terre, Gama intervient de nouveau et lance cette phrase "il y a aujourd'hui des lieux en Guadeloupe réservés aux caucasiens". Mon Dieu qu'a t il dit! La ségrégation en Guadeloupe???!!! J'espère pour lui qu'il sait ce qu’impliquent ces mots mais j'espère surtout pour la Guadeloupe qu'il se trompe.
Les questions s'enchainent alors. Canal+ qui demande si "la menace d'Elie Domota était nécessaire", un journal du Congo (dont je n'ai pas réussi à noter le nom) qui demande pourquoi Elie Domota n'est pas là et quelle réaction provoque les images des CRS face à la population (pas de réponse à la première et pour la seconde ils estiment que ces images ont servi les intérêts du collectif en montrant la violence de la réponse "Française" à la manifestation) etc. Vient alors le sujet des prochains états généraux avec le président, on demande alors si la possibilité d'une ouverture du commerce à la zone antillaise et au continent américain va être négociée. Ils vont y réfléchir et donneront leurs revendications publiques à la presse début Avril. Un autre magazine demande alors comment les chefs d’entreprise feront pour assumer les 200 € au bout des ans de contribution de l’Etat. Le membre du collectif rétorque que vu que certaines personnes peuvent rentrer à l’Elysée sans montrer leurs papier d’identité ils n’auront pas de difficulté à obtenir une aide de l’Etat (les békés sont visé bien sûr). J’ai une question qui me brûle la langue mais je me souviens que tu ne veux pas que j’intervienne heureusement le même journaliste la pose : « et les patrons non-béké, ceux des petites entreprises ? » Réponse décevante une fois de plus : « ils ont étés les premiers à signer les accorts donc le principe ne les dérange pas ». Il semble oublier que l’objectif de ces patrons était de reprendre au plus vite leurs activités pour ne pas perdre leurs entreprises. Ils ont autant besoin d’assurance que les salariés.
En somme, ce fut un grand moment de désillusion pour moi et de déception. Même si certains voient ici dans le LKP "l'espoir de la métropole" (une journaliste de France Culture "non mandatée par sa boite pour être ici "a t elle précisé), j'y vois de plus en plus la trame de la Tragédie du Roi Christophe de Césaire. Espérons seulement qu'au sentiment de pouvoir ne succèdera pas la folie. Voilà ce que j’ai retenu de cette conférence. Ca a été un bon exercice pour mon esprit critique.

Julie, 21 ans,
Prépa Littéraire Gerville-Réache
Promotion 2008