L'Autonomie législative prévue à l'article 74 est une utopie mensongère et un marché de dupe - par Jean-Paul VIRAPOULE

L'Autonomie législative prévue à l'article 74 est une utopie mensongère et un marché de dupe.

Sénateur de la Réunion, j'ai toujours prêté une grande attention à l'évolution institutionnelle des 4 départements d'outre-mer.

C'est à ce titre que je voudrais formuler quelques réflexions qui ne manqueront pas de guider le choix de nos compatriotes guyanais et martiniquais lors du référendum du 10 janvier 2010 tendant à faire passer la Guyane et la Martinique du statut départemental prévu à l'article 73 au statut de collectivités d'outre-mer prévu à l'article 74.

 

L'Autonomie, tout d'abord, n'est qu'une utopie mensongère!

Réclamer en 2009, comme d'autres l'ont fait en 1971 au moment de la Convention de Morne Rouge, l'autonomie des DOM, c'est vouloir appliquer une solution du passé - voire dépassée - pour faire face aux défis de l'avenir.

En effet après sa victoire en 1981, François Mitterrand remercie les forces qui l'ont soutenu dans les DOM et propose de créer une assemblée unique assortie de pouvoirs importants.

Cette assemblée unique devait servir de noyau dur pour le futur état indépendant martiniquais, guyanais, réunionnais et guadeloupéen. Nous avons constitué avec le Sénateur Roger Lise, avec mon frère, le Sénateur Louis Virapoullé, et bien d'autres élus, un « Front du Refus » .

Ces parlementaires ont déposé un recours auprès du Conseil Constitutionnel qui a annulé l'intégralité du projet de loi autonomiste Gaston Defferre - Henri Emmanuelli.

Trois conséquences ont été tirées de cette décision historique du Conseil Constitutionnel du 2 décembre 1982 :

- L'égalité sociale,

- L'égalité institutionnelle avec la décentralisation,

- L'égalité économique avec le statut de R.U.P.

1- L'égalité sociale qui a amélioré de façon significative les conditions de vie de la quasi-totalité de nos compatriotes, a été mise en oeuvre successivement par François Mitterrand puis Jacques Chirac, et ce grâce à l'égalité institutionnelle.

2- L'égalité institutionnelle.

Dans le cadre de cette égalité institutionnelle, les 4 DOM ont bénéficié en même temps, et suivant les mêmes modalités qu'en Métropole, d'un transfert considérable de responsabilités et de moyens financiers, grâce à la décentralisation mise en oeuvre en 1982/1984 puis en 2004, tant au plan départemental que régional.

On peut aujourd'hui, sans être contredit sérieusement, affirmer que ces lois de décentralisation ont accordé aux élus locaux des 4 DOM, (maires, conseillers généraux et conseillers régionaux), des responsabilités ainsi que des moyens financiers nettement plus importants et évolutifs dans le temps que nous n'en n'aurions obtenu dans le cadre de l'aide globalisée prévue pour les territoires autonomes (où n'existe d'ailleurs pas à ce jour l'Egalité Sociale…).

L'Autonomie : une solution dépassée

La décentralisation fait donc de l'autonomie une solution du passé, une solution dépassée!

D'autre part la décentralisation, mise en oeuvre par les gouvernements de gauche comme ceux de droite, va plus loin que l'autonomie sur le plan des responsabilités dévolues aux élus. On peut donc affirmer que la décentralisation que nous vivons actuellement dans le cadre de l'article 73 de la Constitution, constitue un transfert considérable de responsabilités de l'Etat vers les élus locaux mais avec la garantie de la solidarité nationale en faveur des classes populaires et moyennes.

Si j'étais Martiniquais ou Guyanais, le dimanche 10 janvier prochain, je voterai « Non » au passage de l'article 73 à l'article 74 de la Constitution car il existe un risque réel de remise en cause de l'égalité sociale mais également de notre statut de régions ultrapériphériques (R.U.P.).

En effet, en concentrant une somme de pouvoir dans une seule Assemblée et en lui accordant toutes les prérogatives législatives y compris en matière d'égalité sociale (hormis les prérogatives régaliennes : police, justice, diplomatie, etc…), on accroît à l'évidence les risques de dérives politiques, financières ou sociales. Qui peut dire en effet que dans 5 ans, 10 ans ou 20 ans, une collectivité autonome ne demandera pas la remise en cause des droits du travail ou de la sécurité sociale ? Qui peut assurer que ne sera jamais remis en cause le niveau du SMIC alors que tout le monde sait que les Antilles sont en concurrence directe avec des pays à bas coût salarial, que ce soit pour la banane ou le tourisme ? Ces risques, nous devons les prendre en compte, d'autant que la Métropole, contrairement à ce que beaucoup croient, n'est plus prête à tout accepter et que le contexte de mondialisation affaiblit toutes les nations européennes sans exception.

3 - L'égalité économique avec le statut de R.U.P.

Personne ne peut nier sérieusement le fait que le statut de RUP a permis aux 4 DOM de bénéficier d'un formidable plan de rattrapage en matière d'infrastructures, de formation et de développement et ce à un moment où le Président de la République, Nicolas Sarkozy a proposé d'accomplir une phase déterminante de l'égalité économique en dotant chaque DOM d'un modèle de développement spécifique. Pour atteindre ce but, le statut de RUP est donc fondamental.

Or le risque « européen » existe bel et bien! Certes l'application de l'article 74 n'exclut pas automatiquement les DOM du statut de régions ultrapériphériques R.U.P.). Cependant l'Union Européenne demande aujourd'hui à chaque État de faire en sorte que ses collectivités autonomes respectent intégralement le droit européen. Un pays comme l'Espagne a d'ailleurs subi quelques remontrances à ce sujet.

Qui peut dire que dans quelques décennies, à la faveur d'un nouveau Traité, des régions européennes éloignées et « turbulentes » ne seront pas exclues du statut de RUP pour être rétrogradées en « P.T.O.M. » , comme le sont aujourd'hui la Polynésie ou la Nouvelle-Calédonie par exemple ? N'oublions pas qu'aujourd'hui un habitant des DOM perçoit environ 307 euros par an de l'Europe contre 8 euros pour un habitant des P.T.O.M. français. Toute la différence est là qui nous a permis de construire routes, hôpitaux, écoles, universités, etc…

En conclusion, mes chers compatriotes, le dimanche 10 janvier prochain, n'engagez pas la Martinique et la Guyane sur la voie d'une aventure dangereuse, faites le bon choix pour votre Région et pour les générations futures.

Jean-Paul Virapoullé, Sénateur de la Réunion.