News-Letter 14

 

La campagne électorale en vu de la consultation référendaire des 10 et 24 janvier 2010 en Guyane et Martinique, a officiellement été lancée par le débat du 7 décembre dernier à l’Assemblée Nationale.

Sous la forme d’une déclaration du Gouvernement, la Ministre chargée de l’Outre-mer, Madame Marie-Luce Penchard a précisé les raisons de cette consultation, les questions exactes qui seraient posées aux populations des deux départements concernés, ainsi que les suites qui seraient données à ces consultations. On pourra lire l’intégralité de son exposé en cliquant sur le lien suivant (ctrl+clic) :

http://forums.opinpub.fr/node/196

Ce qu’il faut retenir, c’est :

1)      Que le Président de la République, en décidant de la tenue de ces consultations, entendait ainsi répondre aux vœux des élus locaux. On notera que, lesdits élus locaux ne sont que ceux du Congrès, c’est au dire moins d’une centaines d’élus, sur quelque 800 à 900  élus que représente leur  totalité. On notera aussi que ces élus des congrès, n’ont jamais eu mandat de leurs électeurs pour demander de telles modifications  statutaires.  On notera enfin, qu’au moins en ce qui concerne la Martinique, une telle consultation a déjà eu lieu ; li n’y a pas si longtemps, c’était en décembre 2003, et que les électeurs ont répondu non à ces changements institutionnels par 52 % des suffrages exprimés. Alors se pose les questions suivantes : Quelle valeur le pouvoir politique donne-t-il à de telles consultations ? Combien de fois de suite et à quel intervalle devra-t-on relancer ces consultations ? Le pouvoir politique a-t-il l’intention de relancer ces consultations jusqu’à arracher un « Oui » aux électeurs de l’Outre-mer ? La Ministre n’hésite d’ailleurs pas à se couvrir et à couvrir le Gouvernement en précisant : « Cette réforme statutaire a été voulue par les élus pour être mieux en phase avec la réalité des enjeux sociaux que connaissent ces collectivités » et enfonce le clou : « Cette démarche n’est pas un projet du Gouvernement, il n’a fait que proposer au Président de la République de soumettre au vote de la population de la Martinique et de la Guyane une réforme voulue par les élus. Le Président n’a rien imposé. Au contraire, il a privilégié l’écoute et le dialogue avec les représentants élus de ces collectivités ». Comprenne bien qui devra !...

2)      La question posée le 10 janvier sera la suivante : « Approuvez-vous la transformation de la Martinique – ou de la Guyane – en une Collectivité d’Outre-Mer régie par l’article 74 de la Constitution, dotée d’une organisation particulière tenant compte de ses intérêts propres au sein de la République ». Si la question est claire, - on sort du droit commun institutionnel - les conséquences n’y sont pas exprimées, puisque rien n’est dit sur les compétences qui seraient transférées à la nouvelles collectivité, et quelles seront les ressources correspondantes. Voici ce qu’en dit la Ministre : « Ce statut sera établi par une loi organique, qui définira la nouvelle organisation institutionnelle de la collectivité, ainsi que la répartition des compétences entre l’État et la collectivité » .Les électeur sont donc invités à choisir une pochette surprise, nous y reviendrons tout à l’heure.

3)      La question posée le 24 janvier (au cas où le non l’emporterait le 10 janvier) est la suivante : « Approuvez-vous la création, en Martinique – ou en Guyane –, d’une collectivité unique exerçant les compétences dévolues au département et à la région tout en demeurant régie par l’article 73 de la Constitution ? ». On notera là qu’il y a tromperie de l’électeur. Toute la campagne en effet est fondée sur l’idée qu’il ne s’agit pas de changer de statut mais de fusionner les deux assemblées en une assemblée unique. Or la question posée est bien, sans le dire, de substituer au statut départemental celui « collectivité unique ». Là encore, pochette surprise, puisque la Ministre indique qu’en cas de victoire du « Oui » à cette deuxième consultation : « Cette organisation administrative résultera d’une loi ordinaire intervenant, là encore, après une phase de concertation locale avec les élus locaux ».

Comme on le voit, l’intérêt de nos populations dans cette affaire ne semble pas avoir été le souci premier des pouvoirs publics au plan national. Tout semble indiquer au contraire, que n’ayant pas compris ce qui s’est passé en ce début d’année 2009, le Président de la République a davantage cherché à donner satisfaction aux « élus locaux », sans tenir compte du fait  que l’intérêt propre des élus pouvait diverger considérablement des aspirations véritables de la population. C’est d’ailleurs cette même volonté de « faire plaisir » aux élus locaux qui avait amené le précédent Président  Jacques CHIRAC à changer, en 2003, la Constitution, ouvrant ainsi une période d’instabilité dans tout l’Outre-mer, sauf sur l’île de la Réunion qui avait eu l’intelligence et l’habileté de se faire exclure du champ de compétence de cette réforme.

Enfin, pour mieux cerner les enjeux de ces consultations, je vous invite à lire les interventions de Michel Diefenbacher au lien (ctrl+clic) : http://forums.opinpub.fr/node/200

En voici un extrait : « Je voudrais simplement émettre un vœu. Le choix que les populations devront exercer sera évidemment fondamental, car il est évidemment tout différent de décider librement de la loi, qui est aujourd’hui votée dans cette enceinte, et de décider seulement, au contraire, d’adapter à une situation particulière une loi de la République.

Il est donc très important que les populations locales sachent très précisément quelles modifications seraient apportées aux lois de la République, si le choix était fait en faveur de l’article 74.

J’ai entendu qu’il était question d’adopter des règles particulières, notamment dans le domaine de l’économie, de l’éducation et de la formation. Certes, mais, plus précisément, en quoi souhaite-t-on que la loi de la République soit modifiée ?

J’ai bien compris aussi qu’il s’agissait d’établir pour la Martinique et la Guyane une véritable autonomie financière et fiscale, ce qui apparaît en effet parfaitement légitime. Chacun connaît l’adage : « Qui paie commande et qui commande paie ! » Par conséquent, quand on souhaite plus d’autonomie, il faut en avoir les moyens financiers.

Cela signifie que, demain, les impôts de la République ne seront plus perçus. D’autres impôts seront perçus localement. Lesquels ? En quoi le système fiscal va-t-il être modifié ? 

Lorsque l’on regarde le statut de la Polynésie française ou de la Nouvelle-Calédonie, il est évident que le système fiscal est très différent. Est-ce vers une voie de cette nature que la Guyane et la Martinique voudront s’engager ? Nous devons faciliter la transparence dans l’exercice du choix par la population de ces deux départements. Par conséquent, plus la campagne électorale apportera des éléments précis sur les politiques qui seront conduites demain, plus le choix des populations pourra être fait en toute connaissance de cause. C’est à un bel exercice démocratique que nous sommes confrontés ».

Il faut aussi lire l’intervention de Monsieur Abdoulatifou, député de Mayotte (ctrl+clic): http://forums.opinpub.fr/node/201

En voici un extrait : « Bien sûr, comme le rappellent les meilleurs constitutionnalistes, il n’y a pas forcément un gouffre infranchissable entre l’article 73 et l’article 74. Bien sûr, la Constitution prévoit la procédure des habilitations, et donc d’une assez large autonomie, pour l’article 73. Bien sûr, dans le même temps, la même Constitution permet le rattachement à l’article 74 sans que pour autant l’on entre dans un processus d’autonomie et, qu’on le veuille ou non, d’éloignement par rapport à la métropole. Tout cela est vrai.

Néanmoins, le passage de deux des quatre actuels départements d’outre-mer à l’article 74 porte en germe un risque de délitement de l’équilibre institutionnel né de la loi de 1946 sur la départementalisation. Il ouvre la voie au règne de l’arbitraire de potentats ou de « roitelets » locaux. Et surtout, en se limitant à garantir les droits antérieurement acquis, il porte le risque non seulement de priver les populations du bénéfice de lois nouvelles à leur avantage, mais aussi de creuser le fossé entre l’Hexagone et les DOM d’un côté, et les deux territoires considérés de l’autre, fragilisant ainsi tout l’édifice.

C’est donc dans le strict respect de la libre détermination de nos frères guyanais et martiniquais, mais avec conviction et détermination, que je les appelle à reconsidérer ce dangereux saut dans l’inconnu ».

Alors certains diront : Mayotte n’est ni Martinique et  ni la Guyane…  Je sais ! Ne rejetons pas cependant, les amicaux et fraternels conseils de ceux qui, pendant près de deux décennies, se sont battus pour que la France accepte de leur donner un statut sur lequel nous crachons aujourd’hui. Cessons de nous comporter en enfants gâtés de la République !  Celle-ci, dit-on, est bonne fille. En soixante ans elle nous a donné beaucoup, et à bien des égards, plus qu’à d’autres de ses enfants. Comprenons  que la France d’aujourd’hui n’est pas celle d’hier,  et qu’en aucune manière nous n’obtiendrons d’elle,  plus qu’elle n’a déjà donné. Comprenons aussi, que nos élus locaux ont une lourde responsabilité dans ce qui s’est passé ces dernières années et dans ce qui se passera dans celles à venir. On peut en vouloir à jacques CHIRAC d’avoir en fin de course suivi des élus comme les Gaston Flosse et autres  Michaux-Chevry, - ouvrant ainsi la voie à une déstabilisation permanente de nos régions - lui qui connaît si bien l’Outre-mer et qui, jusqu’alors, avait toujours su faire la part des choses entre les demandes égoïstes des élus, et les aspirations de la société civile.  Mais au bout du compte, n’est-il pas logique qu’un Président de la République écoute les élus locaux ?  Et est-ce bien normal, qu’ayant mis à consultation référendaire la proposition des élus, celles-ci soit rejetée à une large majorité, comme ce fut le cas en Guadeloupe et à moindre mesure en Martinique ? Cette question ne peut être écartée. C’est à nous électeurs d’y répondre ; les 10 et 24 janvier en Guyane et Martinique et dans nos trois départements,  lors des élections régionales. Tâchons de nous en souvenir !

Amédée ADELAIDE
Président du CSLR
12 décembre 2009