Pour 200€ de plus

Pour 200 € de plus, nous sommes prêts à mettre le pays à feu et à sang. Pour 200€ de plus, nous sommes prêts à mettre les minorités en souffrance, dans une grande précarité qui peu à peu va nous envahir tous. Pour 200 € de plus, nous sommes prêts à aller vers le chaos, à tout détruire. Pour 200€ de plus, nous sommes prêts à tout et plus encore. Depuis toujours, nous avons pu noter l’effort constant réalisé par une minorité très active dans ce pays, pour détruire. En effet, avec une brillante unanimité, lorsque j’écoute les médias locaux actuels, et surtout ceux qui sont en grève, et habituellement aux ordres du maître, que toute la Guadeloupe s’est transformée et écoute Radyo Tanbou. Sur la chaîne régionale généraliste, l’information télévisée notamment, est remplacée par du gwo ka et des gens qui parlent majoritairement en créole. Et nous avons droit à la proposition de téléchargement gratuite (dawa nou pow ni désan ewo la) d’un morceau aux relents racistes et xénophobes. Ceux qui habituellement honnissent Radyo Tanbou, cette radio considérée comme le repère de réactionnels indépendantistes attardés, de vieux fossiles dont certains sont marteaux, et qui d’habitude préfèrent diffuser toute la journée des séries américaines, des télés réalitées et je ne sais quelle Amour gloire et beauté, se retrouvent brutalement dans la même ligne politique, en lyannaj pourrait‐on dire, avec Radyo Tanbou.

Car il est deux secteurs dans lesquels nous nous retrouvons de manière systématique et ils sont, la destruction et le plaisir. Et, le chaque fois qu’il est question de venir empêcher l’entreprise de travailler, les salariés sont présents au moins une heure avant l’heure habituelle d’ouverture. Alors que lorsqu’ils viennent travailler chaque jour, ils arrivent avec au moins, un quart d’heure de retard. Et certains expliquent que c’est à cause de l’esclavage, car le travail était à la journée et non à l’heure, par conséquent on n’est pas à un quart d’heure près, ou encore que c’est le travail du blanc et que par conséquent le noir ne s’y retrouve pas. Je souscris à ces arguments. Mais je n’ai toujours pas compris pourquoi, au nom de l’esclavage toujours, on n’arrive pas en retard pour fermer l’entreprise et l’empêcher de fonctionner. Autrement dit, nous avons la montre, quand il s’agit de ne pas travailler, mais pas quand il faut aller travailler. Et toujours au nom de l’esclavage, je voudrais que l’on m’explique comment, lorsque le Tour de la Guadeloupe passe à Arnouville à 11 heures, il y a déjà des gens qui ont préparé leur repas, leurs tables et leurs pliants et qui, avec le trajet depuis chez eux, arrivent à être à 10 heures au bord de la route, pour attendre la course.

Mais au‐delà de l’esclavage, il est vrai que le salarié a toujours moins de motivation à aller travailler, car il y a moins d’intérêt dans l’entreprise que son patron. Le terme intérêt doit être entendu dans son sens le plus large. Le salarié investi sa force de travail dans l’entreprise et en retour, perçoit une rémunération qui, pour les marxistes, est inférieure à la richesse qu’il a produit et apportée à l’entreprise. Le patron lui a investi de l’argent, continue de travailler, prend des risques au quotidien et reçoit plus que son salarié, selon la même doctrine. D’où la question de l’exploitation. Et il est aussi vrai, que certains patrons estimant que comme ils ont pris des risques, il est normal qu’ils puissent recevoir 50 fois plus que leur salarié en ayant travaillé 10 fois plus de lui. Il faut au passage noter que ce mode de fonctionnement n’est pas spécifique à la Guadeloupe, car l’ancien président‐directeur général de Carrefour a été licencié, avec un parachute doré équivalent à 365 années (ou 4380 mois) de salaire d’une hôtesse de caisse. Or, si cette hôtesse de caisse avait été licenciée, elle aurait reçu l’équivalent de deux à six mois de salaire, selon son ancienneté. C'est‐à‐dire près de 4400 fois moins que le directeur général. Ce qui signifie que dans un tel système économique, le travail du grand patron, est considéré comme valant 4 400 fois celui d’un salarié de base. Et c’est vrai, qu’un tel mode de fonctionnement est injuste. En ce sens, la pwofitasyon n’est une fois encore pas spécifique à la Guadeloupe, mais au système politique dans lequel nous évoluons. Ce système dans lequel les grands patrons et les grands hommes politiques français qui, sous prétexte qu’ils étaient moins bien rémunérés que leurs homologues américains, ont rapidement et massivement augmenté leur salaire.

Mais, nous ne devons pas oublier pour autant, ce qui reste de l’esclavage. Ce serait la
difficulté à gérer le sentiment de trahison en ayant une autonomie de pensée et d’action. De nombreux intellectuels guadeloupéens, sont piégés dans ce système car ils demeurent inféodés au LKP. S’ils osent avoir une parole propre, s’ils osent se mettre en avant, alors, ils seront considérés soit comme des traîtres, des antipatriotes, soit comme des profiteurs qui veulent absolument attirer l’attention sur eux, en s’exprimant de leur propre gré. Parce qu’il ne faut pas oublier que dans notre discours, c’est toujours le pa ni pwoblem et la connivence, plutôt que la loyauté qui dominent. Nous devons tout faire, pour éviter une différence avec l’autre, je vois tout faire pour que nous soyons dans une similitude totale dans une fusion, dans un lyannnaj. Si j’adopte une position propre, c’est que je veux te trahir, c’est que je ne t’aime pas et alors, je cours le risque d’être rejeté. Et j’ai peur de me retrouver seul. Ce mode de comportement fusionnel est très psychotisant et destructeur.

Le second élément qui fédère, c’est un désir largement partagé, celui d’un meilleur pouvoir d’achat. Au‐delà de la fusion des kanmarad ou de ceux qui se reconnaissent comme tels, la participation d’un aussi grand nombre de personnes, pour l’augmentation du pouvoir d’achat, relève de la façade. Nous en voulons pour preuve que ce qui a fait tomber les écoles mal construites en Haïti et les immeubles en Turquie, debout depuis des années, ce n’est pas le temps, mais un élément extérieur.

Outre le fait que la promesse d’obtenir 200 € fédère largement, il y a une troisième chose qui fédère, c’est le désir de remettre en question, le verdict légitime des urnes. En effet, les têtes pensantes ou les partis politiquent qui constituent le mouvement, sont constitués de personnes qui ont tenté et pour certains depuis plus de 40 ans, de rallier la population à leur cause. Ayant échoué, ils tentent de rallier le peuple. En effet, la population c’est celle qui va aux urnes, mais c’est aussi, celle qui a envie de rester française, qui craint de perdre les avantages acquis, mais qui apprécie aussi et surtout, cette liberté d’expression et d’évolution, dans un ensemble caribéen, dans lequel nous faisons figure de riches. La population, c’est aussi celle qui pense que les choses ne sont pas tout à fait juste dans ce pays, et qui se retrouve massivement, dans un grand nombre de revendications du LKP. Le peuple, en l’état actuel, c’est l’agglomération, l’amalgame d’intérêts individuels, avec surtout ce que nous savons faire, le désir de détruire. Il faut aussi noter, un deuxième lyannaj, c’est‐à‐dire une collusion de trois intérêts politiques et qui est la pire, car fondée sur le fan tchou. Nous guadeloupéens, spécialistes dans cet art de vivre, sommes capables d’organiser, et de manière quasiment scientifique, la destruction d’autrui. Cela tombe merveilleusement bien, car il existe des intérêts locaux et nationaux, qui convergent, d’où l’expression d’un triple lyannaj. Il faut se rappeler, que la Guadeloupe, est l’un des pays dans lequel le nationalisme est aussi exacerbé. Il constitue à ce jour, la seule forme d’expression du peuple. Ce mode de pensée constitue un ciment, afin qu’une population puisse devenir un peuple à part entière, avec la représentation et le sentiment d’appartenance à un territoire, sa vision de son histoire, sa représentation de lui‐même, l’harmonisation de ses différences en en faisant une richesse, celle de sa culture, celle de ses relations au monde, etc. Aujourd’hui, nous n’en sommes pas encore là. La seule communauté de pensée de notre peuple de Guadeloupe, sur laquelle s’appuient des mouvements politiques qui vont de l’extrême gauche à l’extrême droite, c’est l’appartenance territoriale, d’où la gwadloup sé tan nou. On le voyait d’ailleurs avec la déclaration de Basse‐Terre, présentée comme une sorte de projet d’indépendance, par une Présidente de Région RPR (donc de droite) et qui a reçu l’aval des intellectuels et politiciens nationalistes de gauche, voire d’extrême gauche. Par conséquent, en Guadeloupe, pays de la soupe à congo, ce ne sont pas ces petites étiquettes politiques qui vont nous embêter, lorsque l’on veut manipuler la population et lui faire croire que le peuple a décidé.

Nous pensons qu’il y a actuellement, un triple lyannaj car, la soupe à congo d’antan, n’a pas trouvé sa réalisation dans les urnes. Gran madanm la pèd la Région et les nationalistes d’extrême gauche, n’ont même pas fait 3 % des voix aux mêmes élections régionales. Or si elle n’est pas au pouvoir, eux non plus ne peuvent pas l’être. Ce lynnaj local est connu et a déjà fait ses preuves. Il est fondé sur l’idée commune que la Gwadloup sé pa ta yo (yo le peuple de Guadeloupe et les étrangers) et nou ké fè yo fè sa nou vlé. Par conséquent, ces personnes ont un besoin de revanche et leur but n’est pas la Gwadloup sé tan nou mais la Gwadeloupe sé tan mwen. Il faut d’ailleurs se rappeler que lorsqu’elle a été réélue à la mairie de Basse‐Terre Gran Madanm la di : j’ai repris ma mairie. Et elle a été pour cela, félicitée par des intellectuels de gauche comme de droite. Car la mairie, édifice public et l’exercice du mandat de maire, n’ont pas pour but l’intérêt et le bien collectif, mas ce sont des choses qui appartiennent à un individu. Et on le voit bien, lorsque les dirigeants du LKP disent qu’ils sont la voix du peuple. Ils mettent 10 000 personnes dans la rue (moins de 3% des Guadeloupéens, score obtenu par les nationalistes aux élections régionales) et pour eux, c’est la majorité. Comme Bokassa décidait au nom du peuple. Et puis les leaders appellent à la grève et à la mobilisation générale. Et il y a grève générale. Les salariés et les patrons ont la liberté de ne pas ouvrir comme l’otage est libre de partir, avec le fusil sur la tempe. Ils ont le même mode de fonctionnement : la restriction maximale des libertés, le désir cupide de confiscation du pouvoir, la prétention d’aide aux plus démunis, mais en réalité le mépris et l’utilisation de cette masse laborieuse comme bras armé, la stigmatisation de boucs émissaires, le racisme primaire, le discours populiste, un discours rassembleur mais en réalité profondément teinté de haine pour le peuple (tout faire pour que des personnes venues du froid soient cadres ou patrons d’entreprises, en faisant fuir les nôtres et en prétendant que l’ont veut faire diriger ce pays par des cadres locaux).

Mais ces deux groupes liberticides aux méthodes fascisantes, trouvent un allié d’opportunité et de poids, en la personne du Secrétaire d’Etat à l’Outre‐mer et je n’ose espérer du gouvernement, ni du Président de la République, même si fiya gwan Madanm la Lélisé. C’est là qu’intervient le troisième bras du lyannaj. Car il faut se rappeler que la Guadeloupe est le seul département français, a avoir voté en majorité pour Ségolène Royal au second tour de la présidentielle. D’autre part, le Président Lurel a plus récemment, en faisant annuler par le Conseil Constitutionnel, la décision prise par le Secrétaire d’Etat, Yves JEGO, d’attribuer à la communauté de Saint‐Martin, 12% de l’octroi de mer perçu en Guadeloupe, lui a infligé un revers cuisant. Et dès lors, nous sommes dans une nouvelle collusion d’intérêts et dans une nouvelle soupe à congo. Elle se traduit d’une part, par une stratégie du pourrissement et une disqualification des Présidents de Région et du Département, de la part du bras nouveau, et d’autre part, par une disqualification des même présidents, une stratégie de la peur et de l’insécurité, une précarité de la vie quotidienne, une restriction massive de la liberté, un discours populiste et stigmatisant à travers la désignation de boucs émissaires, des propos racistes et des conduites totalitaires de la part des lyanné locaux. Et tout cela, avec l’aval des intellectuels. Car le but, du membre du gouvernement et de la minorité agissante qu’est le LKP, est éminemment politique : liquider les deux présidents au plus tard, aux prochaines élections régionales et tout cela pour permettre le retour a pouvoir de Gran Madanm la et aussi des nationalistes, incapables de se faire élire. Et l’on a le sentiment, que pour des raisons politiques, on voudrait tuer une mouche avec un bazooka. Mais il faut se rappeler aussi qu’en 1976, les événements de la Soufrière, où il n’y a jamais eu d’éruption ni de risques majeurs, comme l’avaient justement dit FEUILLARD et Haroun TAZZIEF, avaient déjà donné l’occasion à ceux qui voulaient déplacer plus près de la Grande‐Terre, le poumon économique du pays, dire que Basse‐Terre constituait une zone dangereuse et qu’il ne fallait pas y permettre un développement économique.

Ainsi, on peut se rendre compte, comment des systèmes politiques et différents, peuvent avoir à un moment, des intérêts convergents, au dépend d’une très large majorité de la population. On pourrait réfléchir à un quatrième lyannaj. Celui du LKP avec les grands patrons. Qui sont prêts à payer 200€ de plus, non parce qu’ils le veulent (et ils le peuvent aussi) mais parce qu’ils savent que les petits patrons, ne pourront pas tenir longtemps à ce rythme et finiront par leur vendre, pour une bouchée de pain, leur entreprise.

Et la question qui se pose aujourd’hui c’est, comment sortir de cela, car cette triple alliance conduit le pays dans un chemin qui pue la mort. Il y a déjà deux victimes, tombées sur des barrages qui, loin de disparaître, continuent de fleurir. Il y a aussi tous ceux qui déprimés chroniques, se suicident brutalement ou à petit feu. Ils y a ceux qui, au lieu de réfléchir à ne pas commettre un acte grave, le font avec le sentiment que de toutes façons, ils ont l’aval du LKP. Mais c’est eux seuls qui iront en prison.

Nous avons en ce sens, plusieurs propositions à faire. Il faut d’abord et surtout modifier de manière profonde et durable, les mentalités. Et cela, prend du temps. Mais nous avons le temps devant nous, car si cette génération ne mange pas les fruits des arbres plantés, la prochaine le pourra et la nôtre verra fleurir l’arbre. Pour cela, il faut que nous puissions faire le choix d’être unis dans la construction en mais aussi dans la douleur et pas seulement dans la destruction et dans le plaisir. Il faut tout d’abord, penser que nous avons comme tout homme dans n’importe quel pays dans le monde, des droits et des devoirs. Il faut cesser de nous cacher derrière notre petit doigt, que nous appelons la spécificité. Nous appartenons à un ensemble global, à l’humanité, même si nous résidons dans un lieu particulier. Il faut ensuite, rejeter les chimères, en se rappelant que si le marxisme avait été un mode efficace et opératoire de système politique, le bloc de l’Est ne se serait pas écroulé. Il faut par conséquent, nécessairement rejeter l’idée de la dictature du prolétariat qui comme toute dictature, opprime la majorité et donne le pouvoir à une minorité, fût elle prolétaire.

Il faut aussi rappeler que le modèle de la destruction, a toujours prévalu chez les dirigeants politiques actuels du LKP et c’est pourquoi la population les a, à chaque élection, sanctionnés et qu’ils ont toujours connu des échecs politiques aux périodes démocratiques. En effet, on ne vote jamais pour quelqu’un qui veut foncièrement détruire, en prétendant construire. Contrairement à ce qu’ils disent, ce n’est pas parce que les autres candidats, élus de manière démocratique, ont berné la population, mais c’est parce qu’ils portent en eux, la fibre constructice, la fibre de la vie. Or les dirigeants du LKP, portent en eux, la fibre destructrice. C’est aussi pour cette raison, que le mouvement actuel de grève est aussi destructeur, plongeant dans la souffrance ceux que l’on prétend aider (les mères de familles avec enfants en bas âge, les personnes avec faible revenu, les étudiants, les jeunes désoeuvrés, etc.).

Il faut aussi que nous acceptions l’idée de revoir la représentation que nous avons du travail. Et cela, ne sera possible qu’avec des chefs d’entreprise. En effet, une très large majorité des membres du LKP, sont des fonctionnaires, qui plus est, de cet État français qu’ils disent exécrer. Mais pour lequels ils ont librement choisi de travailler. On ne peut pas, quand on a acquis une mentalité de salarié, si on ne fait pas un formidable effort, acquérir celle d’un dirigeant. Pour cela, il faut que nous modifiions notre relation à l’employeur et au travail. Il faut que nous puissions être une force de proposition et non demeurer une force de revendications, de demande, voire d’exigence. Etre une forte opposition, c’est développer notre investissement dans l’entreprise, pour que celle‐ci croisse et en assurer la pérennité.
En effet, si le salarié est une force de proposition, alors il existe une reconnaissance et une rémunération qui doit lui être proposée, à hauteur de son implication. Ce qui veut dire que celui qui s’investi dans l’entreprise aura toujours, davantage que celui qui ne s’investie pas. De même, celui qui investit en créant une entreprise, sera aussi davantage rémunéré que celui qui est salarié, dans une juste proportion. En devenant des petits (et plus tard des grands) patrons, nous saurons, ce que c’est que de prendre des risques, et nous aurons enfin, une réelle valeur de l’argent et nous sourons ce que représentent 200€ chargés. Il s’agit d’abord, de développer des petites sociétés, par le biais du micro crédit, afin que des petites entreprises, des petites industries, puissent voir le jour, et permettent à ce pays de se développer. Il faut aussi accepter l’idée que dans ce pays, il existait des grands groupes, dont les dirigeants embauchent mais plus encore, appartiennent à l’histoire et au peuple de notre pays. Et qu’ils ont autant que chacun de nous, la légitimité d’y demeurer. Il faudra se battre avec eux à nos côtés, pour que se réduise le fossé, qui existe depuis plus de 400 ans. Mais ça c’est un travail local, un devoir commun de mémoire. Ce travail va prendre du temps, il sera douloureux, mais au bout, nous aurons le plaisir de vivre ensemble.

Toujours dans cette optique, il faudra se rappeler que la beauté n’est non pas dans la clarté de l’apparence physique, mais dans celle des propos et celle du coeur. Car si Monsieur DESPOINTES dit que le métissage entraîne des différences de traitement dans les familles, il affirme ce qui chez nous, est une quasi vérité de Lapalisse. On bel fanm sé on fanm blan oben on fanm a bel chivé é a po chapé. Et d’ailleurs nous notons que ceux qui revendiquent de donner la priorité à la Guadeloupe font souvent le choix de travailler pour cet État français et de prendre pour femme, une Française. Traduisant au‐delà d’un choix, un rejet du mélange, du lyannaj avec la population dont ils sont issus et plus encore, un refus de construire pour et avec le peuple dont ils sont issus.

Il faut aussi qu’en tant qu’adultes, nous sachions expliquer à nos enfants que l’initiative
individuelle doit être développée, et que l’échec est possible. La réussite et l’échec sont les deux faces d’une même main. Il faut aussi rappeler leur que tout homme a en lui, le meilleur et le pire et que le choix de développer, tout au long de sa vie, l’une ou l’autre de ces capacités relèvera de lui‐même, même si l’adulte qui l’accompagne, doit contribuer à l’aider à développer le meilleur en lui. Il faut aussi rappeler à nos enfants, que toute action individuelle s’inscrit nécessairement dans un contexte social, mais aussi avec des lois, des règles, qui sont fondées sur l’intérêt collectif et non sur le besoin individuel. Et qu’il faudra la plupart du temps, donner la priorité à l’intérêt collectif, sur le désir individuel.

Autre travail sur lequel nous devons nous atteler, c’est la notion de service. En effet, les
secteurs qui sont le moins touché par la crise, sont ceux associés aux services. En ce sens, ils possèdent une forte valeur marchande, un faible risque d’échec, mais ils développent aussi, une qualité de relations interpersonnelles. Mais cela doit nécessairement entraîner chez nous, de revisiter la notion de services. Actuellement, service est égal à servitude, soumission, indignité, avilissement. Parce que par définition, comme d’autres êtres humains, nous avons besoin qu’un autre soit notre serviteur et notre inférieur. Il est courant aujourd’hui d’entendre dire, an pa haitien aw. Alors que celui qui sert, est d’abord celui qui reçoit, celui qui offre une qualité d’accueil, et qui sera rémunéré proportionnellement à la qualité du service fourni. Il faut se rappeler que comme l’aumône, le service est fonction des moyens de celui qui le donne mais en même temps, elle grandit celui qui accompli l’acte.

Il faut aussi que nous puissions accepter que tout peuple a dans son histoire, des zones d’ombre et qu’il va nous falloir lever ce voile, mais cela, dans le respect de nous‐mêmes. En effet, il faut se rappeler que des Africains ont vendu leurs frères à des Européens. Il faut aussi se rappeler que l’invasion de la France a été possible, car les frontières avaient été grandes ouvertes aux Allemands sur ordre du Maréchal Pétain. Il faut aussi se rappeler que les kapos des camps de concentrations étaient des juifs qui collaboraient avec le régime nazi. Et il faut aussi s’accepter avec sa réalité, sans en avoir honte, mais sans avoir non plus l’impression que nous sommes les damnés de la terre.

Si nous nous attelons à un tel travail, alors les négociations seront loin d’être terminées, mais à l’évidence, elles ne concerneront plus seulement le pouvoir d’achat, mais aussi la construction de l’homme guadeloupéen tout entier, l’Homme Nouveau et par conséquent, un changement radical de la société. Je ne suis pas sûr aujourd’hui que ceux qui dirigent le LKP veuillent ce changement radical et profond. Les mots ou slogans entendus, l’appel à la poursuite et au durcissement du mouvement, le refus d’arrêter la grève générale, l’utilisation des jeunes déments et non désoeuvrés, comme le prétend le leader du LKP, ne sont pas la nature à aller dans ce sens. Au contraire, ils constituent le désir d’obtenir toute suite, comme un enfant gâté, comme celui qui a toujours quelque chose à demander et qui jamais rien ne propose. Car il faut se rappeler que l’aumône grandi non pas celui qui reçoit mais celui qui donne. Et celle‐ci doit être proportionnelle aux ressources de celui qui donne. Autrement dit, nous sommes tous capables de donner et pas seulement de recevoir. Il faut aujourd’hui que la majorité qui souhaite construire, puisse s’affirmer dans ce pays, puisse se faire entendre, et cesse de subir, la pression, le joug de ce mouvement aux relents idéalistes, aux demandes en grandes parties légitimes, mais aux intentions et aux méthodes finales propres à entraîner le chaos, même si demain, ils étaient au pouvoir, même élus démocratiquement.
Brutus.