En Martinique les acteurs sociaux dialoguent, un schéma loin de la Guadeloupe - Papier d angle, Prev
13/03/2009 17h12 - OUTREMER-MARTINIQUE-GRÈVE-SOCIAL - Monde (FRS) - AFP
Par Sophie LAUTIER
FORT-DE-FRANCE, 13 mars 2009 (AFP) - La Martinique a certes connu cinq semaine de grève et blocages durs mais les partenaires sociaux, portés par une décennie de dialogue, ont négocié sans jamais claquer la porte et abouti à un accord clé unanime, un schéma très différent de la radicalité de la Guadeloupe, soulignent observateurs et protagonistes.
Dans les deux îles, "les bases des mouvements ont été les mêmes mais elles n'ont pas été portées dans le même esprit", affirme à l'AFP Danielle Laport, sociologue et directrice de l'Agence régionale de l'amélioration des conditions de travail (Aract).
En Martinique, les revendications sur la cherté de la vie "ont été portées par les organisations syndicales agrégées avec des associations et des petits agriculteurs pour former le Collectif du 5 février", explique Mme Laport, "elles travaillaient sur ces sujets depuis un an et demi, et n'ont pas d'objectif politique".
Le LKP guadeloupéen en revanche compte dans ses rangs des syndicats mais aussi "des partis politiques indépendantistes et révolutionnaires", analyse la chercheuse.
La "puissance concentrée de l'UGTG syndicat fortement identitaire" et son leader charismatique Elie Domota n'ont pas leur équivalent en Martinique où le Collectif a choisi comme président Michel Monrose (Unsa), un "modéré intègre", ce qui a "beaucoup aidé à la résolution du conflit" et permis à chaque syndicat de garder un espace de parole, analyse André Lucrèce, sociologue spécialiste des sociétés antillaises.
"Il n'y a qu'à regarder les deux accords" sur les salaires, avance Eric Nouvel (CGPME) et président de l'Association pour la promotion et la modernisation du dialogue social à la Martinique (ADSM).
"Celui de la Guadeloupe comporte un préambule politique qui parle +d'économie de plantation + et de +rente de situation+ qui rebute le patronat tandis qu'ici c'est un accord signé par tous les partenaires" y compris l'aile dure du Collectif, la CGTM, souligne-t-il, pariant "sur son extension dans le même train que celui de la Guadeloupe bien que signé 15 jours après".
Ce climat social moins heurté en Martinique a des racines historiques --les Martiniquais noirs ont toujours cohabité avec les "békés" depuis quatre siècles quand les Guadeloupéens les ont guillotinés en 1794 sous la Terreur entraînant une modification de la structure économique et sociologique-- mais aussi récentes.
Tout le monde parle du conflit Toyota comme du point d'origine du dialogue social en Martinique. De mai à novembre 1999, une grève dure chez un concessionnaire sur des questions de salaires s'est achevée par le licenciement du gérant et du délégué syndical.
"La société a été très marquée par ce conflit et après ce gâchis humain, les gens se sont dit +plus jamais ça+", raconte M. Lucrèce.
Pendant huit mois, patrons et syndicalistes ont voyagé ensemble pour découvrir les formes de dialogue social au Canada, en Espagne, etc, puis ont été créées en 2000 l'ADSM, en 2001 l'Aract et en 2007 l'Association des binômes médiateurs (un patron et un syndicaliste, tous deux martiniquais).
Durant les négociations, "les habitudes prises avant ont permis d'établir des passerelles et de ne pas arriver forcément en pensant d'un côté ou de l'autre +salaud de patron ou salaud de syndicaliste+", se félicite M. Nouvel.
Pour autant, malgré cette quasi décennie de dialogue aucun accord n'a été signé avant février 2009, insiste Mme Laport, en regrettant que ça se soit "fait sous la pression".
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