News-letter 19

Mes chers compatriotes,

 

 Depuis le 19 janvier, je lis et relis le discours prononcé à la REUNION par le Président de la République, pour présenter ses vœux aux habitants de l’Outre-mer. J’essaie de comprendre le sens et les raisons de certains propos prononcés par le Premier des Français et qui, me semble-t-il, sont le reflet profond de sa pensée.

Il est effectivement important,  pour connaître notre place dans la République, de savoir comment nous situent les pouvoirs publics dans cette République.

En tout premier lieu, le Chef de l’Etat évoque, à propos des évènements du premier trimestre 2009 : « une crise identitaire, sociale et finalement politique, qui a révélé au grand jour d’importants dysfonctionnements que nous avions tous, et depuis trop longtemps, eu tendance à sous-estimer dans notre outre-mer ». Sur ce point, autant le dire franchement, nos avis divergent. Nous persistons à dire qu’en tout cas, le moteur principal  de ces mouvements de rue n’était pas social.

Il y avait surtout :

-une volonté politique des indépendantistes de mettre l’Etat au pied du mur, d’affaiblir son autorité, par une démonstration de  force dans la rue (en fait, quelques milliers de personnes pour une population réelle de plus de 400.000habitants)

-et, en contrepoint, la faiblesse insigne de l’Etat qui, non content de  son incapacité à faire respecter les libertés publiques  (notamment celle de circuler et  de travailler), à feint de croire que cette  revendication politique évidente (et ultra-minoritaire) relevait principalement de mesures  sociales ou de modification institutionnelles parfaitement inopportunes.

Il y a, à ce sujet, un passage important de ce discours, dans lequel le Président présente ses 137 mesures déclinées pour les Outremers :

Je cite :

« Nos objectifs sont articulés autour de quatre priorités :
- sortir de la crise, en combinant la loi pour le développement économique des outre-mers et le Conseil interministériel ;
- s’engager concrètement dans la lutte contre la vie chère qui est vraiment un sujet de préoccupation, et j’en ai conscience, pour chacun d’entre vous. Cette vie chère, on peut l’accepter quand elle est le résultat d’obstacles physiques, d’éloignement géographique. On ne peut pas l’accepter quand c’est le résultat de monopoles ou de blocages qui utilisent les problèmes d’une population qui n’a pas à subir cela ;
- troisième priorité, qui n’a pas été facile à faire comprendre, qui m’a même valu des problèmes : la conviction qui est la mienne que tout passe pour l’outre-mer par la création d’un développement économique endogène. L’outre-mer, ce sont des femmes et des hommes qui ont une formation, qui ont une jeunesse, qui ont des ambitions. Le seul objectif, pour vous, ne doit pas être l’assistanat. C’est insultant pour l’outre-mer que de considérer son avenir
ainsi. Votre objectif, c’est le développement économique, et ici à La Réunion plus qu’ailleurs, avec bientôt un million d’habitants ;
- et, enfin, faire de l’Etat, plus proche, l’un des principaux acteurs de l’égalité des chances et de la promotion sociale, que la République tienne ses promesses. 

Voilà comment j’ai analysé, ressenti, compris avec votre ministre Marie-Luce PENCHARD, les événements que nous avons connus tout au long de l’année 2009. »

Arrêtons-nous ici, sur les deuxième et troisième priorités présidentielles.

- Lutter contre la vie chère, inacceptable quand c’est le résultat de monopoles ou de blocages qui utilisent les problèmes d’une population qui n’a pas à subir cela. On ne peut que souscrire à cette formule... Sauf qu’il convient de s’entendre sur ce que doivent être les vraies cibles. La baisse des prix passe à notre sens par deux points clés :

-          Par la baisse du coût de revient des marchandises importées, laquelle dépend notamment de la fin du monopole de fait du transport maritime - et donc la mise en place d’une vraie concurrence comme cela a été fait pour les transports aériens -, la baisse des coûts de passages portuaires, et la transformation du mode de perception de l’Octroi de mer en un mode analogue à celui de la TVA.

L’Etat est-il prêt à s’engager là dessus ?

-          Par la notion clairement exprimée que les pouvoirs publics ne permettront plus à personne de bloquer des secteurs entiers de l’économie, voire l’île entière, dans le seul but d’obtenir des augmentations de salaires totalement déconnectées des réalités économiques. A titre d’illustration, ces dérapages continuels nous ont conduit aux tarifs bancaires les plus élevés de toute la République, au prix exorbitant de l’essence à la pompe, et à des coûts salariaux déraisonnables dans le secteur hôtelier, sans rapport en tout cas avec la qualité des services correspondants.

L’Etat est-il prêt à relever le défi ? La question mérite d’être posée !

Tout passe part le développement économique endogène. Le seul objectif ne doit pas être l’assistanat.

-          Pour le développement endogène, nous sommes nombreux à le vouloir et le réclamer depuis longtemps. Encore faut-il que tous les acteurs sociaux et politiques, le comprennent, le veuillent vraiment et créent un consensus aussi fort que celui qu’ont su créer les Réunionnais.

-          En ce qui concerne l’assistanat, on aura noté que le Chef de l’Etat aura prononcé ce mot cinq fois en l’espace de vingt minutes. Et d’ajouter : « Je sais qu’on a essayé d’utiliser certaines de mes convictions, parfois pour faire peur, par exemple quand j’ai dit que l’avenir d’un jeune outre-mer, cela doit être mieux que le RMI, cela doit être mieux que l’assistanat, cela doit être mieux que la main tendue, ce doit être une formation, un travail, un logement, une famille. Et qu’à ce jeune, il faut lui dire que par son travail il pourra s’en sortir. Je sais qu’on a voulu faire peur. »

Monsieur le Président, il ne s’agit, dans ce débat, de faire peur à personne. Tel n’est pas l’enjeu de l’échange loyal que l’Outre-mer entend avoir avec vous. S’il faut préciser le problème de notre jeunesse (aussi bien les « sans diplôme », que ceux qui ont eu la possibilité de faire des études, qui se retrouvent avec des diplôme bac + 4 ou bac + 5) c’est qu’elle voudrait travailler, et qu’elle ne trouve pas d’emploi.

En fait elle se retrouve dans une situation que dans les DOM, vous appelez l’assistanat, et qu’en France hexagonale on désigne légitimement comme un effet de la solidarité nationale: tant que les DOM resteront dans le droit commun institutionnel et suivront ses évolutions, leur population et leur territoire jouiront légalement de la solidarité nationale et européenne, et non d’un quelconque programme d’assistance.

 Elle sait, cette jeunesse, qu’elle serait bien plus heureuse en s’intégrant effectivement dans la vie active. Mais elle sait aussi que les services de l’Etat sont loin d’être à son service. Elle sait, comme les Chefs d’entreprise le savent, que lorsqu’elle se rend à « Pôle Emploi » pour conclure une Convention d’Action Préparatoire au Recrutement, elle est confrontée à un véritable parcours du combattant, même si elle a l’accord d’une entreprise d’accueil. Elle sait qu’elle n’aura cette convention en poche qu’après des dizaines de rendez-vous ratés et reportés, et que, dans le meilleur des cas, il lui faudra deux mois de plus pour toucher sa première allocation. Alors, Monsieur le Président, elle accepte très mal qu’on la traite d’assistée. Et les Chefs d’Entreprise et leurs salariés, qui se lèvent tous les jours pour aller travailler, n’ont nullement le sentiment d’être des «assistés ». Ils ont au contraire conscience d’avoir toujours cherché à arriver par leurs propres moyens et de participer chaque jour à cette noble tâche consistant à créer et maintenir l’activité économique et l’emploi. La population d’Outre-mer n’est pas une population assistée.

MON Dieu ? Pourquoi est-il si difficile de faire comprendre à nos gouvernants d’aujourd’hui que nous sommes vraiment attachés aux valeurs profondes de la république, et non à une quelconque pension alimentaire ?

Le Chef de l’Etat commet à notre égard la même erreur qu’il avait commise, à Dakar, à l’égard des Africains. Nous ne sommes pas des assistés et notre rapport à la France ne saurait être celui d’une population assistée face à un Etat paternaliste.

Je le dis solennellement à tous nos dirigeants nationaux ainsi qu’à la presse métropolitaine qui reprend ce refrain: En entrant dans ce jeu là, en utilisant ce vocabulaire là, vous marchez dans les pas de nos indépendantistes. Fonctionnaires pour la plupart (et fonctionnaires de l’Etat surtout), qui profitent de la sécurité de l’emploi liée à leur statut, et du laxisme de leur employeur pour créer une agitation quasi permanente, tout en criant à la « profitation » et à l’assistanat.

Amis de la Guyane et de la Martinique, vous êtes actuellement consultés sur des questions institutionnelles:

Lors d’un scrutin démocratique le vote gagne à être libre, secret, serein ; il doit être, de surcroît , éclairé par un véritable débat; c’est sur ce dernier point que pêchent les récentes campagnes en Outre-mer: pratiquement tous les partis et toute la presse tentent d’imposer la même réponse au peuple: les rares dirigeants politiques qui s’insurgent contre cette pensée unique sont purement et simplement exclus de leur famille politique, et interdits de presse, à droite comme à gauche ! 

Je connais cependant votre détermination à rester maître de votre destin et votre volonté inébranlable de ne pas vous laisser entraîner sur des chemins hasardeux, alors même que ceux qui prétendent vous montrer la voie ne savent pas en réalité où ils vont.

C’est pourquoi je vous dis, avec tout l’Outre-mer, tenez bon ! Nous sommes avec Vous !

Et nous comptons sur vous et votre clairvoyance !

Amédée ADELAIDE
Président du CSLR
22 Janvier 2010