DISCOURS DE M. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE : Voeux à la France d’Outre-mer

 

DISCOURS DE M. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

Voeux à la France d’Outre-mer

Saint Denis de la Réunion – Mardi 19 janvier 2010

Mesdames les Ministres,
Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mes chers compatriotes de la France d’outre-mer,

Qu’il me soit permis, avant de vous présenter mes voeux, d’avoir une pensée solidaire et attristée pour le peuple haïtien et pour les victimes innombrables de la catastrophe inouïe qui a frappé leur île mardi. Vous le savez, la communauté française sur place a payé un lourd tribut humain à ce drame, qu’il est aujourd’hui encore difficile d’évaluer avec précision. Je sais également que de nombreuses familles haïtiennes, dont beaucoup vivent aux Antilles Françaises, en Guyane ou en métropole, ont perdu soudainement un frère, un parent, un ami, parfois les trois à la fois. D’autres encore n’arrivent pas à joindre leurs proches et vivent dans l’angoisse. Grâce à la Martinique et à la Guadeloupe, la France a été l’un des premiers pays au monde à arriver sur place. Je veux dire que nous l’avons fait en étroite coordination avec nos amis américains. Je tiens d’ailleurs à saluer la mobilisation exceptionnelle du Président OBAMA et de l’administration américaine. Le rôle qu’il joue avec nous sur ce terrain est essentiel. Aujourd’hui nous faisons face, ensemble, à l’urgence humanitaire. Demain, c’est ensemble que nous devrons mobiliser la communauté internationale pour répondre aux besoins immenses de la reconstruction de ce pays martyr.

 

Je veux dire aux Haïtiens que la France partage leur peine et qu’elle mettra tout en oeuvre pour venir en aide à ce pays qui nous est si proche.

Mes chers amis, c’est la première fois, depuis que je suis Président de la République, que je retrouve l’Ile de la Réunion à laquelle, vous le savez, je suis très profondément attaché. C’est ici, au coeur de l’un de ces territoires d’outre-mer qui sont la fierté et la richesse de notre pays, que j’ai tenu à venir présenter mes voeux à tous les Français d’outre-mer.

 

Et d’ailleurs, chaque année, tant que je serai Président de la République, je viendrai dans l’un de nos territoires pour présenter à l’ensemble de la communauté des Français d’outre-mer les voeux de la République, les voeux de la Nation. Après tout, vous vous déplacez tant de fois en métropole. Il n’est que justice que le Chef de l’Etat de votre pays se déplace au moins une fois dans l’année pour venir vous rendre votre fidélité, votre amitié, votre désir d’être Français. 

Je voudrais dire à ceux qui nous écoutent, de métropole ou d’outre-mer, que nos 12 territoires sont indissociables de l’identité de notre pays. Ils sont consubstantiels de ce qu’est la France. Nos territoires d’outre-mer rappellent à notre vieille Nation la force de son message universel et la richesse de son irréductible diversité. La France, c’est un seul Peuple, une seule langue, une histoire commune, des destins liés, et en même temps, la France c’est un métissage de cultures, de religions et d’identités qui se retrouvent dans des valeurs partagées de liberté, d’égalité et de fraternité. La France, ce sont des écrivains, des musiciens, des scientifiques, des sportifs, des femmes et des hommes d’Etat qui sont venus de l’Outre-mer et qui ont contribué à construire notre identité, en participant à notre rayonnement, à notre grandeur et à notre puissance. Je ne veux plus entendre dire que l’outre-mer a besoin de la métropole. Je veux qu’on dise que ce besoin est réciproque parce que la métropole a besoin de l’outre-mer au pluriel, de tous nos outre-mers.

 

La France, grâce à vous, c’est la France des trois océans, c’est une fenêtre perpétuellement ouverte sur le monde, c’est la démonstration éclatante que l’on peut être égaux sans être semblables, le visage d’une France à ce point sûre de ses valeurs qu’elle considère la diversité comme une force, et non comme une menace. La Réunion est sans doute l’un des meilleurs exemples de cette capacité à construire un destin commun à partir de la richesse que chacun porte en lui, de son identité.

 

L’appartenance de tous, au-delà des milliers de kilomètres qui nous séparent, à la même communauté  nationale est l’une des multiples facettes du génie Français. Les Français d’outre-mer, au même titre que les Français de métropole, savent qu’ils peuvent compter sur tous les autres lorsqu’arrivent des difficultés. Ils connaissent la solidarité et l’unité de notre Nation, nous l’avons vu tout au long de cette année 2009 qui fut si difficile.

 

Cette année, en raison de la crise financière, puis de la crise économique a été une année difficile pour la France. Nous sentons encore aujourd’hui les effets de cette crise, même si notre pays a plutôt mieux résisté que d’autres. Mais la France d’outre-mer n’a pas été épargnée par cette crise internationale d’une ampleur inédite. C’est mon devoir de chef de l’Etat que de le considérer, que d’en tirer des conclusions. La France d’outre-mer a même été plutôt plus durement touchée que la métropole en raison même des fragilités structurelles de son tissu économique.

 

C’est pourquoi, en cette nouvelle année, je dois avoir une pensée toute particulière pour ceux qui connaissent des difficultés dans leur vie professionnelle ou personnelle. Je pense à tous ceux qui sont privés d’emploi, encore si nombreux dans nos territoires d’outre-mer et particulièrement, ici, à la Réunion. La résorption de ce fléau qu’est le chômage doit être pour nous une obsession de tous les instants, que l’on soit décideur politique ou acteur économique. 

A cette crise systémique, s’est ajoutée une crise plus spécifique, qui a concerné une partie d’entre vous, une crise identitaire, sociale et finalement politique, qui a révélé au grand jour d’importants dysfonctionnements que nous avions tous, et depuis trop longtemps, eu tendance à sous-estimer dans notre outre-mer. 

J’espère avoir fait la démonstration, à l’occasion des Etats généraux et du premier Conseil interministériel de l’outre-mer, que la métropole a pris la juste mesure des revendications qui se sont exprimées, et que chacun est convaincu que ces questions sont traitées avec la plus grande attention par l’ensemble des membres du Gouvernement.

 

Chaque fois que cela a été nécessaire, l’Etat a été présent à vos côtés. Il a démontré sa force de mobilisation, sa capacité à se remettre en cause. Tous les problèmes n’ont pas été résolus, je ne l’ignore nullement. Mais ensemble, nous avons fait quelque chose d’indispensable, nous avons identifié les blocages, et cherché des solutions communes. Je veux qu’elles se traduisent en actes concrets pour que les choses évoluent. En venant ici, je ne viens dans un territoire exotique. Je viens sur un territoire de la République où les aspirations des Français qui s’y trouvent sont les mêmes qu’en métropole, un avenir pour leurs enfants, un emploi pour eux-mêmes et aussi des études de qualité, une formation possible.

 

Quelles qu’aient été les épreuves que nous avons traversées durant l’année 2009, il nous faut aujourd’hui regarder devant nous, tirer les enseignements que nous avons vécu, corriger nos erreurs. En un mot, il nous faut réformer ce qui doit l’être pour faire, d’une épreuve, une opportunité. L’exercice auquel une grande partie d’entre vous s’est livrée -- les Etats généraux de l’outre-mer -- aura été un moment fort de notre histoire récente. Lorsque j’ai proposé à vos élus cette méthode de travail, je savais bien que je prenais un risque. D’ailleurs mes chers compatriotes, quand on ne prend pas de risques, il n’y a que l’échec qui est à l’arrivée. Parce que si les solutions étaient faciles à trouver, elles vous auraient été apportées depuis bien longtemps. Et il est vrai que certains furent « sceptiques », certains tentèrent de s’opposer à cette dynamique parce qu’ils s’imaginaient que tout était « joué d’avance ». Tant de fois, l’outre-mer a été déçu. Je dois tenir compte de cette réalité. Je n’ai pas voulu rester sur le registre de la critique, de la contestation, voire de la démagogie. J’appelle chacun à prendre ses responsabilités, et à accepter le dialogue.

 

Des femmes et des hommes de bonne volonté sont allés au bout de cet exercice inédit d’intelligence collective qu’ont été les Etats Généraux de l’outre-mer. Durant ces mois de travail, j’ai personnellement veillé à ce que le processus de consultation et de décision ne soit jamais détourné de son objectif principal : répondre à vos aspirations concrètes et peut-être avant tout exprimer sur tous vos territoires les non-dits accumulés depuis des décennies et qui risquaient de créer de l’amertume, voire du ressentiment. Je l’ai vu lorsque la violence s’est emparé dans un certain nombre de nos territoires.

 

J’ai présenté l’économie générale des résultats des Etats Généraux lors du Conseil interministériel de l’Outre-mer le 6 novembre dernier, à l’Elysée : 137 mesures déclinées territoire par territoire, tant il est vrai qu’il n’y a pas un seul outre-mer, mais des outre-mers qui demandent des réponses adaptées, de la souplesse et du pragmatisme.

Nos objectifs sont articulés autour de quatre priorités :

- sortir de la crise, en combinant la loi pour le développement économique des outre-mers et le Conseil interministériel ;

- s’engager concrètement dans la lutte contre la vie chère qui est vraiment un sujet de préoccupation, et j’en ai conscience, pour chacun d’entre vous. Cette vie chère, on peut l’accepter quand elle est le résultat d’obstacles physiques, d’éloignement géographique. On ne peut pas l’accepter quand c’est le résultat de monopoles ou de blocages qui utilisent les problèmes d’une population qui n’a pas à subir cela ;

- troisième priorité, qui n’a pas été facile à faire comprendre, qui m’a même valu des problèmes : la conviction qui est la mienne que tout passe pour l’outre-mer par la création d’un développement économique endogène. L’outre-mer, ce sont des femmes et des hommes qui ont une formation, qui ont une jeunesse, qui ont des ambitions. Le seul objectif, pour vous, ne doit pas être l’assistanat. C’est insultant pour l’outre-mer que de considérer son avenir ainsi. Votre objectif, c’est le développement économique, et ici à La Réunion plus qu’ailleurs, avec bientôt un million d’habitants ;

- et, enfin, faire de l’Etat, plus proche, l’un des principaux acteurs de l’égalité des chances et de la promotion sociale, que la République tienne ses promesses.

 

Voilà comment j’ai analysé, ressenti, compris avec votre ministre Marie-Luce PENCHARD, les événements que nous avons connus tout au long de l’année 2009.

 

Les mesures arrêtées sont nombreuses. Elles ont été présentées dans la plus grande transparence. Je remercie chacun d’avoir bien voulu débattre sans tabou. Et je veillerai scrupuleusement à la mise en place d’une relation rénovée entre la métropole et l’outre-mer. Je n’ignore nullement les conservatismes, les immobilismes, les difficultés quand vous ou vos élus vous adressez à telle ou telle administration centrale. Et puis par-dessus tout, j’ai conscience que tout ceci a suscité des espoirs partout en outre-mer. Et je n’ai pas le droit de les décevoir. Lorsque je vois, aux Antilles, la maîtrise, le recul, le sang froid de la population qui n’a pas voulu répondre à certaines provocations, je ne me dis pas tranquillement « ça y est c’est terminé, c’est derrière nous ». Je me dis, au contraire, qu’on doit leur donner davantage, parce que s’ils ont fait preuve de ce sang froid et s’ils n’ont pas voulu entendre les plus violents, c’est parce qu’ils ont gardé l’espoir. Nous n’avons pas le droit de désespérer cette espérance républicaine.

 

L’Etat respectera et mettra en oeuvre les décisions qui ont été prises. Je l’ai dit au Premier Ministre et à la Ministre de l’outre-mer : je serai exigeant, intransigeant sur le respect de la parole donnée car je sais que vous avez trop souffert de promesses sans lendemain et de magnifiques discours incantatoires. Cette époque doit être révolu. Ce n’est pas une affaire d’opposition et de majorité. Ce n’est pas une affaire de gauche ou de droite. C’est l’affaire du XXIème siècle. L’Etat tiendra sa parole.

 

Le chemin parcouru est déjà important, beaucoup de réformes sur lesquelles je m’étais engagé sont en cours de réalisation ou sont réalisés en métropole comme ici. Je pense à la suppression des droits de succession, à la revalorisation du minimum vieillesse, à la lutte contre la récidive, au Grenelle de l’environnement, à l’autonomie des universités. Je dis un mot particulier d’ailleurs des universités, car je forme le voeu et je porte l’ambition que nos territoires d’outre-mer puissent abriter des formations universitaires de qualité. Ici à La Réunion, nous sommes au coeur d’un bassin francophone. Nous pouvons avoir une université qui forme par exemple, les médecins de l’ensemble de la zone. Voilà pourquoi j’attache, madame le ministre, tant d’importance à cette université de médecine à La Réunion. Je pense aussi aux Antilles, à la Guyane, cela fait partie du rayonnement de la France que nous puissions accueillir dans nos universités ultramarines les meilleurs étudiants de nos voisins de la région. Chacun en tirera un utile profit. La France, parce que sa langue et sa culture se diffuseront ; et nos voisins parce qu’il y a ici une capacité à former qu’il n’y a nulle part ailleurs. Et nous aurons réussi lorsque des étudiants de métropole se diront qu’il y a dans nos territoires ultramarins des formations que l’on ne retrouve pas ailleurs.

 

J’ajoute que je demande qu’on arrête cette détestable habitude qui consiste à demander aux étudiants ultramarins de faire des milliers de kilomètres pour aller passer un examen. Et si parfois on demandait à des enseignants de le faire passer dans nos outre-mers. C’est cela aussi l’égalité des chances républicaines.

 

Il en est de même des engagements plus spécifiques que j’ai pris vis-à-vis de la France d’outre-mer, la création des zones franches globales d’activité par exemple. Vos territoires ne sont pas immenses en superficie. La Réunion, c’est certes près d’un million d’habitants, mais enfin le pourtour c’est 180 kilomètres, en diagonale 80 kilomètres. Que signifiaient des zones franches minuscules sur des territoires eux-mêmes limités dans l’espace, s’adressant sur une petite parcelle, à tous les secteurs, avec des acteurs économiques qui n’étaient pas encouragés à faire le choix des cinq ou six secteurs qui doivent être prioritaires pour vous. Les zones franches globales d’activités je les avais promises pendant ma campagne. Elles sont aujourd’hui en activité. Il en est de même pour le renforcement de l’égalité des chances des Français d’outre-mer ou la meilleure maîtrise des flux d’immigration, problème douloureux, même si cette île n’est pas la plus concernée par le sujet. Cette question de l’immigration illégale met notre pacte social ultramarin dans une situation extrêmement difficile. A Mayotte, 30 à 40% de la population est en situation illégale, qui peut l’accepter ? Les Antilles, la Guyane avec le Guyana qui devra bien accepter les clandestins qui seront pris chez nous à la suite d’un contrôle. Si nous voulons rester une république ouverte, nous devons faire appliquer la loi. Ce n’est pas la même chose d’avoir des papiers ou de ne pas en avoir. Je veux dire également que nous allons employer des moyens exceptionnels pour aider les territoires comme la Guyane et Mayotte, comme j’ai eu l’occasion de le dire, ce qui passera notamment, dans l’océan indien par une aide aux Comores pour qu’ils disposent d’un hôpital. Désormais les femmes comoriennes pourront accoucher en toute sécurité. Et c’est tout l’intérêt de la République française que d’aider ses voisins si l’on veut préserver notre pacte social.

 

Je souhaite également la mise en place d’une politique ambitieuse de protection de l’environnement et de la biodiversité ultramarine. Le projet GERRI de la Réunion est, à cet égard, absolument exemplaire. Vous êtes le territoire de la République française qui a le pourcentage d’énergies renouvelables – près de 40% –, le plus important. Vous êtes un exemple. Vous n’êtes pas à la traîne, vous êtes en avance. Mais l’objectif que nous avons c’est l’autonomie énergétique pour La Réunion d’ici à 2030. L’océan est là, le soleil également. S’il est bien des territoires qui peuvent être autonomes grâce au développement durable, ce sont bien les territoires ultramarins.

 

Je pense aussi à notre politique ambitieuse de développement du numérique. Le désenclavement numérique est essentiel à la prospérité de l’outre-mer. Il permettra de rapprocher comme jamais les outre-mers de la métropole. Le plan de déploiement du très haut débit que vient de présenter le Premier ministre, concernera au premier chef l’outre-mer et pas seulement la métropole. Tous les projets visant à améliorer la desserte intérieure et extérieure en très haut débit bénéficieront de la défiscalisation et du grand emprunt. Et cela concerne notamment la Réunion où le numérique doit être moins cher. Des progrès ont été faits depuis 2006, mais il nous en reste beaucoup à faire encore. C’est une solution à votre enclavement.

 

Je pense enfin à l’adaptation de la gouvernance locale aux différentes réalités d’outre-mer ou encore à la création de moyens nouveaux pour financer le logement social.

 

Le respect des mesures décidées par le Conseil interministériel de l’outre-mer, se fera avec rigueur. Les financements sont prévus. Les décisions prises seront appliquées. Je pense notamment à l’augmentation de la capacité d’accueil des jeunes au sein du service militaire adapté qui est un enjeu considérable pour fournir une formation professionnelle de qualité. Je pense à l’assouplissement de près de 125 régimes de visas pour faciliter les échanges commerciaux. Il n’était plus acceptable que pour avoir un visa lorsqu’on est d’un pays limitrophe pour visiter la Réunion, on devait demander une autorisation à Paris qui devait revenir à la Réunion. Est-ce qu’on veut développer le tourisme et les affaires ou est-ce qu’on veut le compliquer ? Je le dis d’ailleurs, je souhaite, lorsque je rendrai visite à des états voisins de nos territoires ultramarins, pouvoir associer les élus de l’Outre-mer, qui connaissent la région. Comment peut-on imaginer le développement de la Guyane sans le Brésil ? Et lorsque le chef de l’Etat français se rend au Brésil, il doit s’y rendre en compagnie des élus de la Guyane. L’océan indien, ici, vous le connaissez mieux que nous, vous y vivez, il est votre océan. N’ayons pas peur de donner des responsabilités à vos propres représentants dans les forums régionaux pour développer les synergies, pour se comprendre, pour se parler. L’Etat a besoin de tout le monde pour faire entendre la voix de la France. Je pense aux flux touristiques, je pense à la nomination de « sous-préfets à l’égalité des chances. Quant aux « commissaires au développement endogène », ils prendront leurs fonctions en mars prochain. Et je veillerai à ce qu’ils aient les moyens financiers adaptés, notamment pour la diversification des productions agricoles.

 

Mis mes chers amis je vais vous parler franchement. Je viens en ami, je viens en pesant mes mots. Je sais les responsabilités qui pèsent sur mes épaules. Mais j’aime aussi tenir un discours de vérité. L’Etat n’est pas seul en jeu. Chacun des acteurs de la vie politique, économique et sociale de l’outre-mer a une responsabilité. Et je vous demande de rompre avec les habitudes du passé où l’Etat était le responsable commode de tous les maux de la société. L’Etat a sa responsabilité, mais il n’est pas le seul en responsabilité. La vérité, c’est qu’aujourd’hui plus que jamais, chacun d’entre vous a son destin et celui de son territoire en mains. 

Le chemin que je veux tracer pour vous n’est pas celui de la facilité. Ce chemin, c’est celui du travail, c’est celui de l’effort, c’est celui du mérite. Aucun régime d’aide publique, aucune politique d’incitation n’a jamais, à elle seule, créé le développement et le bien-être. Seul votre travail, seules vos initiatives, seule l’activité de vos entreprises, la formation de votre jeunesse créeront de la croissance et de l’emploi productif et durable. C’est votre territoire. Personne ne peut vous dire qu’on va le développer sans vous.

 

Je sais que beaucoup partagent cette vision. Je sais que les mentalités ont beaucoup évolué ces dernières années. Je sais que vous êtes bien loin des clichés trop souvent véhiculés en métropole. Je sais qu’on a essayé d’utiliser certaines de mes convictions, parfois pour faire peur, par exemple quand j’ai dit que l’avenir d’un jeune outre-mer, cela doit être mieux que le RMI, cela doit être mieux que l’assistanat, cela doit être mieux que la main tendue, ce doit être une formation, un travail, un logement, une famille. Et qu’à ce jeune, il faut lui dire que par son travail il pourra s’en sortir. Je sais qu’on a voulu faire peur. Mais je sais aussi que certains de nos compatriotes ont besoin du RSA et ils l’auront. Je sais que tout le monde ne peut pas trouver un emploi dans l’économie marchande, spontanément. Mais je dis que l’avenir de l’outre-mer ne passe par l’assistanat. Il passe par la confiance que la République doit vous faire et par les moyens que la République vous donnera de vous développer et de croire dans l’avenir et dans la croissance future. C’est cela ma vision de l’outre-mer. Et je préfère le dire plutôt que de laisser à penser qu’on peut maintenir une jeunesse dans le mensonge d’un assistanat systématique. L’initiative, l’entreprise, l’innovation, la recherche, doivent continuer à se développer en outre-mer. D’ailleurs, le taux de création d’entreprise est aujourd’hui supérieur en outre-mer à celui de la métropole et les domaines d’excellence se multiplient outre-mer, l’énergie renouvelable, la création du numérique ou l’agroalimentaire, sans parler de la pisciculture.

 

L’objectif de développement endogène, dont j’avais fait un axe majeur de ma campagne, est aujourd’hui partagé par tous, à droite comme à gauche, départementalistes comme autonomistes. J’observe, d’ailleurs, que la crise qui a récemment traversé nos départements d’outre-mer n’a pas contredit cette ambition. Le développement local doit être construit d’une façon plus autonome. Il nécessite que vos territoires s’ouvrent davantage aux pays des bassins géographiques environnants. Il ne faut pas avoir peur de nos voisins. Il faut au contraire, renforcer nos liens avec eux. Finalement, il s’agit d’inventer un nouveau modèle de développement, moins artificiellement dépendant de la métropole. Comprenez moi bien, je ne reviens pas sur les engagements de la première partie de mon discours. Nous vous aiderons. La République ne laissera pas tomber l’outre-mer. Mais nous vous demandons de vous ouvrir, tous, à votre environnement géographique pour créer avec vos voisins des synergies et une capacité de développement de marché qui permettra à vos entreprises de créer des emplois.

 

Les conditions à réunir pour réussir cette véritable révolution du développement endogène sont nombreuses car nous avons hérité d’un modèle économique et politique qui, depuis des dizaines d’années, était fondé sur la seule logique de transferts publics et de rattrapage par rapport à un supposé « modèle métropolitain ». Mais moi je vous propose de construire les bases d’un modèle différent où la solidarité nationale à toute sa place, mais où l’assistanat est banni, un modèle où la prise de risque et le sens de l’entreprise sont davantage valorisés outre-mer, un modèle où chacun pourra vivre dignement du fruit de son travail. Je refuse que l’on oppose artificiellement l’économique et le social. Et comment fera-t-on du social s’il n’y a plus d’économie ? Et comment garantir votre diversité si vous êtes totalement dépendants d’un lieu ou les décisions se prennent sans vous. Je refuse qu’on oppose l’économie marchande et l’économie solidaire. Il faut les deux. L’économie solidaire, on en a besoin pour tous ceux qui ont si peu. Mais l’économie marchande est une nécessité, ne serait-ce que pour financer le coût de l’économie solidaire. Je ne veux pas qu’on oppose la création de richesse et la justice sociale.

 

Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire d’adapter les règles. C’est vrai dans le champ économique et dans celui des politiques publiques pour que puissent naître de véritables marchés sur des territoires restreints qui sont les vôtres. Mais cette capacité d’adaptation, elle doit aussi s’exercer dans le champ politique, je voudrais dire un mot de l’organisation institutionnelle de nos territoires d’Outre-mer. 

Je ne vous cacherai pas que j’ai évolué sur le sujet, à force de venir, à force de discuter, à force d’écouter. Je considérais initialement que la question statutaire était relativement secondaire et servait à masquer les vrais enjeux. Aujourd’hui, je n’en fais pas une priorité, mais je pense qu’il est important que chacun de vos territoires trouvent son propre point d’équilibre et une place adaptée au sein de la République. 

Je ne vois pas ce qu’il y a de choquant à considérer que chaque territoire ultramarin puisse se doter d’une organisation adaptée à ses caractéristiques propres, à condition que cela ne remette pas en cause le principe d’unité de la République. L’unité de notre pays, ce n’est pas l’uniformité des statuts de ses collectivités. Quel sens y aurait-il à vouloir organiser un territoire de 6.300 habitants, comme Saint- Pierre et Miquelon, de la même manière que La Réunion qui en comptera bientôt un million ? Quel sens y aurait-il à organiser le développement économique dans l’océan indien de la même façon qu’un territoire à proximité immédiate de nos amis canadiens ?

 

Nous nous sommes dotés d’une Constitution qui nous permet beaucoup de souplesse. Je compte en faire usage, dans le respect de la volonté exprimée par les populations concernées, avec une seule ligne rouge dont je n’accepterai jamais qu’elle soit franchie : celle de l’indépendance. L’outre-mer est français et restera français.

 

C’est la raison pour laquelle je n’ai pas eu de difficulté à faire droit à la demande des élus de Martinique et de  Guyane d’organiser une consultation sur l’évolution institutionnelle de leur territoire. Lorsqu’il y a une crise, la République était bien contente de trouver des élus pour maintenir le dialogue. C’est trop facile de les accuser de tous les maux. Moi, je parlerai avec tous les élus et je n’accepterai jamais de parler avec ceux qui ne portent que la violence. Voilà une leçon de la République.

 

J’ai, à cette occasion, décidé d’élargir le choix offert aux Martiniquais et aux Guyanais, afin que le débat aille jusqu’à son terme. Ils se sont exprimés, à une très large majorité, le 10 janvier, en repoussant la possibilité de voir leur territoire régi par le statut d’autonomie tel que défini à l’article 74 de notre Constitution. Ce vote, à mes yeux, traduit le souhait des Martiniquais et des Guyanais de voir l’organisation institutionnelle de leur territoire demeurer proche de celle de la Métropole. Mais, au-delà, c’est un message d’attachement au lien étroit qui les unit à la République que les Guyanais et les Martiniquais nous envoient. J’ai bien entendu leur message. Dimanche prochain, nos compatriotes auront à se prononcer sur une question toute autre, celle de la création d’une collectivité unique, exerçant les compétences de droit commun du conseil régional et du conseil général. Quoiqu’il arrive, et quelle que soit leur réponse, la Martinique et la Guyane conserveront donc leur statut de département d’outre-mer au sein desquels les lois de la République continueront à s’appliquer dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui.

 

Ainsi, se dessine progressivement le paysage d’une France d’outre-mer aux statuts multiples mais bien ancrés dans la République française.

 

Ici, à la Réunion, l’attachement au modèle départemental demeure fort car il correspond bien aux caractéristiques fondamentales de votre territoire. 

La Guadeloupe a souhaité disposer de temps pour réfléchir à son avenir.

 

Les collectivités de Saint-Barthélemy et Saint-Martin ont, elles, décidé, en 2003, de s’éloigner de ce modèle pour  s’engager dans la voie d’une plus grande autonomie. Nous venons d’ailleurs d’adopter, il y a quelques semaines, des dispositions législatives pour leur permettre de mieux assumer leur statut sur le plan fiscal. Cela démontre que l’évolution statutaire est un processus qui se décline sur le long terme.

 

A Mayotte, j’ai engagé une évolution inverse, la « départementalisation ». Beaucoup de responsables politiques, de droite comme de gauche, l’avaient promis. Je l’ai fait. Je l’ai fait parce que j’ai voulu être honnête vis-à-vis de nos compatriotes mahorais dont la fidélité à la France n’a jamais fait défaut. Mais imaginez les conséquences pour la France si la elle n’avait pas répondu positivement à des compatriotes qui voulaient avec tant de constance demeurer Français. Cela aurait été un manquement à la parole donnée. On n’aurait plus pu faire confiance à la République. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi tant de responsables politiques de gauche ou de droite avaient promis avant les élections la départementalisation, et l’avaient oublié au lendemain des élections. On ne peut pas jouer avec la confiance de nos compatriotes. Si on le dit, c’est qu’on y croit. Si on y croit, on ne se contente pas de le dire, on le fait. Je veux dire que ce statut de départementalisation se fera de façon progressive et adaptée, tant il serait inconscient de plaquer un « modèle départemental » sur la réalité mahoraise d’aujourd’hui. 

Dans le Pacifique, la Nouvelle-Calédonie continue, grâce à l’implication active de l’Etat, à dérouler sa feuille de route définie par l’Accord de Nouméa. Les derniers transferts de compétences se mettent en place, en ce moment même, avant la consultation d’autodétermination qui sera organisée à partir de 2014. Depuis des années, la loyauté de l’Etat est totale vis-à-vis de tous les partenaires de l’Accord, qu’ils soient favorables au maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France ou qu’ils soient indépendantistes. Je veux redire à tous les Calédoniens qui nous écoutent qu’il faut que, bien avant 2014, s’ouvrent des discussions pour que la consultation prévue par l’Accord de Nouméa se traduise par un résultat approuvé par une très large majorité des électeurs. Ces discussions doivent avoir lieu entre Calédoniens, l’Etat les aidera et il assumera jusqu’au bout son rôle de signataire des accords.

 

Nous avons encore bien d’autres initiatives à prendre ! Je pense à la Polynésie française qui, malgré plusieurs réformes, n’a pas su trouver la stabilité politique à laquelle aspire. Je suis persuadé que les Polynésiens sont consternés par ces renversements d’alliances systématiques. A l’heure où chacun devrait mobiliser toute son énergie pour faire face à la crise, cette instabilité chronique est intolérable pour les Polynésiens qui souffrent. Et bien je vais engager cette année, une réforme de leur mode de scrutin et du mode de fonctionnement institutionnel local, afin de garantir plus de stabilité aux majorités élues, et donc une capacité à envisager l’action politique et publique dans la durée. LaPolynésie a le droit au sérieux de ses élus, et non pas à une vaste comédie où les ennemis d’hier deviennent les alliés d’aujourd’hui.

 

Je pense aussi à Wallis et Futuna, le territoire le plus éloigné de la métropole. Cet archipel du Pacifique, qui a fait le choix de la France il y a cinquante ans, connaît une véritable crise. L’exode massif des forces vives, la trop grande dépendance aux transferts publics, les blocages qui empêchent l’émergence d’un véritable secteur privé. Je suis prêt à examiner, dès 2010, les propositions de modernisation de l’organisation du territoire de Wallis et Futuna dans le cadre de la République. Je ne laisserai aucun de nos territoires à l’extérieur du mouvement et du progrès. 

Alors, en préparant cette réunion, en ignorant que vous seriez si nombreux, on m’a dit « attention, tu ne vas pas parler que de la Réunion, est-ce que cela va les intéresser ? ». Moi je pense qu’ici on comprend tout. Si l’Etat tient sa parole aux confins du Pacifique, alors dans l’océan indien, vous saurez qu’on peut faire confiance à l’Etat. C’est cela le message que je voulais tenir aux Français ultramarins. J’ajoute que, dans le cadre du statut qui est le vôtre, si vous vouliez expérimenter de nouvelles compétences, notamment au niveau des collèges, la République est prête à faire droit à cette demande, parce que je suis persuadé que vous qui êtes au plus proche des réalités savez bien les blocages qu’il convient de faire sauter.

 

  

Mes chers compatriotes, 

Après une année 2009, l’année 2010 doit être une année de refondation. Une année durant laquelle nous allons travailler à retrouver le chemin de la croissance et de la baisse du chômage.

 

Cette année 2010 doit marquer le début d’un changement de regard des uns envers les autres. Trop de préjugés subsistent. Le regard de la métropole sur l’outre-mer doit évoluer comme celui de l’outre-mer sur la métropole. Et je souhaite que « l’année de l’outre-mer », qui se déroulera sur tout le territoire national en 2011, contribue à faire évoluer les mentalités. Je viens d’ailleurs de désigner, en la personne de Daniel MAXIMIN, le commissaire qui sera en charge de l’organisation de cet évènement. Je veux faire comprendre à tous les Français l’importance de l’outre-mer. Ce qui se joue ici. Je le dis, cette importance de l’outre-mer est beaucoup plus fondamentale qu’on ne l’imagine parfois.

 

Mes chers compatriotes, le temps de la confiance est venu. C’est aussi cela le message que nous ont adressé les Martiniquais et les Guyanais le 10 janvier dernier. Ce n’est pas le message de la division, ce n’est pas le message de la peur. Et je veux dire que je serai intransigeant sur les questions de violence, d’ordre public, de lutte contre la délinquance. Rien ne me fera accepter cette forme de désordre, ni en métropole, ni en outre-mer.

 

En ce début d’année 2010, que je vous souhaite heureuse, je sais que beaucoup d’entre vous ressentent une forte impatience. Vous souhaitez que les choses changent et qu’elles changent vite. Croyez bien que je partage cette volonté. Cela fait plus de deux ans et demi que je suis Président de la République. L’enthousiasme, la volonté, l’énergie qui sont les miens n’ont en rien été entamés par ces deux années. Je voudrais d’ailleurs vous dire combien je suis reconnaissant aux français de leur sang froid dans la crise et de leur capacité à comprendre les enjeux. On ne peut pas continuer comme si le monde ne bougeait pas.

 

J’espère que 2010 sera l’année de la lucidité pour chacun d’entre vous, de la méfiance face aux solutions miracles, aux formules toutes faites. Je crois à l’unité. Je crois à l’effort collectif au service d’un projet clair. Je crois aux atouts de l’outre-mer. Je crois en l’excellence de l’outre-mer. Je refuse le misérabilisme sur l’outre-mer. Et je veux faire prendre conscience aux Français ultramarins qu’ils ont plus d’atouts qu’ils ne l’imaginent eux-mêmes. Et si le premier sujet, c’était que vous-même ayez d’abord confiance dans la qualité et les atouts des territoires que vous aimez, sur lesquels vous êtes nés et dans l’avenir duquel vous devez croire avec davantage de force ?

 

Ici à la Réunion vous en faites tous les jours la démonstration. L’outre-mer peut et doit être un terrain privilégié d’innovation. Je ne laisserai personne distendre les liens qui unissent l’outre-mer et la République. Je ne laisserai personne remettre en cause l’état de droit et les principes de notre République que tant de femmes et d’hommes d’outre-mer ont défendu courageusement tout au long de notre histoire. Je m’opposerai à tous ceux qui prôneront le désordre et la violence. Car le désordre et la violence c’est d’abord nos compatriotes ultramarins qui en subissent les conséquences. Je veux vous assurer que mon devoir de chef d’Etat, c’est de protéger les Français et qu’à mes yeux vous êtes les Français les plus exposés aux réalités de ce monde.

 

Le grand théoricien de la Nation, Ernest RENAN, a écrit que « ce qui constitue une Nation, c’est d’avoir fait ensemble de grandes choses dans le passé et de vouloir en faire encore dans l’avenir ». C’est parce qu’elle est riche de ses différences, que notre Nation est une grande Nation. Nous avons beaucoup à faire ensemble mes chers compatriotes d’outre-mer.

 

Vive la République,
Vive la France,
Vive l’outre-mer dans la République française.