Assemblée Nationale - 7 décembre 2009 - Intervention de Monsieur Michel Diefenbacher

Assemblée nationale

Séance du lundi 7 décembre 2009

Déclaration du Gouvernement sur la consultation des électeurs de Guyane et de la Martinique et débat sur cette déclaration

 

Monsieur Michel Diefenbacher, député, au nom du groupe UMP

On parle souvent de courage en politique. En l’occurrence, je crois qu’il en fallait pour ouvrir le dossier toujours difficile des statuts des départements d’outre-mer. Longtemps sanctuarisés, les statuts des territoires et des collectivités d’outre-mer ont fait l’objet, depuis, maintenant vingt-cinq ans, de multiples modifications.

En revanche, durant ce temps, et en réalité depuis le début de la Ve République, le statut des départements d’outre-mer restait, quant à lui, inchangé. De surcroît – cela a été rappelé tout à l’heure – les projets de modifications intervenus au fil du temps se sont régulièrement soldés par des échecs : échec de l’Assemblée unique en 1982-1983 à la suite de la censure du Conseil constitutionnel, refus de la consultation de la Guadeloupe et de la Martinique en 2003. Chacun mesure par conséquent que l’exercice dans lequel nous sommes engagés est profondément aléatoire. Je voulais donc saluer le courage des élus de Martinique et de Guadeloupe, qui s’engagent à l’évidence sur un terrain difficile.

Que peut-on dire de leur démarche ? Essentiellement trois choses : elle n’a rien de choquant, elle n’a rien de surprenant, elle n’a rien d’iconoclaste.

La démarche n’a rien de choquant, car nous nous inscrivons dans un processus légal. La Constitution prévoit deux dispositifs organisationnels différents : les articles 73 et 74. Rien n’est plus normal que de consulter les populations sur le choix à faire entre eux, choix important. Quel que soit le résultat de cette consultation, il n’aura rien de condamnable. Pour ceux qui s’inquiètent de la réponse, il est clair que l’appartenance à la République n’est en rien remise en cause.

La démarche n’a rien de surprenant, car les revendications en faveur de plus de libertés locales ou de plus d’autonomie sont extrêmement anciennes. Elles sont, à certains égards, incontestablement légitimes. La géographie, l’histoire, l’économie, la société, la culture sont de nature différente et, par conséquent, il ne serait pas anormal que l’application du dispositif législatif et réglementaire prenne en compte ces situations originales, toutes choses que permettent, à des degrés divers, à la fois les articles 73 et 74 de la Constitution. Il s’agit de choisir entre le dispositif d’adaptation de la loi et le dispositif de spécialité législative, qui permet d’aller plus loin dans les régimes différents.

La démarche des élus, enfin, n’a rien d’iconoclaste, car, de toute façon, les institutions territoriales vont changer, dans les départements d’outre-mer comme en métropole. Nous sommes engagés dans un processus de réforme de l’organisation territoriale. Il doit en particulier conduire en métropole et dans les départements d’outre-mer, sauf si un statut différent était voté, à ce que demain les élus départementaux et régionaux soient les mêmes personnes, ce qui signifie que, dans des régions mono- départementales, en toute hypothèse, les élus régionaux et les élus départementaux seront demain les mêmes. Nous serons, en réalité, en présence d’une fusion de fait des deux collectivités.

La question était donc de savoir s’il fallait devancer ce débat, qui sera un débat national, par un débat particulier concernant les départements qui l’ont demandé : la Martinique et la Guyane. Les élus ont répondu à cette question et ils ont souhaité que soit envisagé un statut particulier. C’était leur liberté. Il faut, bien entendu, la respecter et je crois qu’il faut saluer la décision du Président de la République et du Gouvernement de donner tout simplement la parole au peuple. La démocratie va donc s’exprimer librement.

Je voudrais simplement émettre un vœu. Le choix que les populations devront exercer sera évidemment fondamental, car il est évidemment tout différent de décider librement de la loi, qui est aujourd’hui votée dans cette enceinte, et de décider seulement, au contraire, d’adapter à une situation particulière une loi de la République.

Il est donc très important que les populations locales sachent très précisément quelles modifications seraient apportées aux lois de la République, si le choix était fait en faveur de l’article 74.

J’ai entendu qu’il était question d’adopter des règles particulières, notamment dans le domaine de l’économie, de l’éducation et de la formation. Certes, mais, plus précisément, en quoi souhaite-t-on que la loi de la République soit modifiée ?

J’ai bien compris aussi qu’il s’agissait d’établir pour la Martinique et la Guyane une véritable autonomie financière et fiscale, ce qui apparaît en effet parfaitement légitime. Chacun connaît l’adage : « Qui paie commande et qui commande paie ! » Par conséquent, quand on souhaite plus d’autonomie, il faut en avoir les moyens financiers.

Mme la présidente. Mon cher collègue, je vous prie de bien vouloir conclure.

M. Michel Diefenbacher. Je termine, madame la présidente.

Cela signifie que, demain, les impôts de la République ne seront plus perçus. D’autres impôts seront perçus localement. Lesquels ? En quoi le système fiscal va-t-il être modifié ?

Lorsque l’on regarde le statut de la Polynésie française ou de la Nouvelle-Calédonie, il est évident que le système fiscal est très différent. Est-ce vers une voie de cette nature que la Guyane et la Martinique voudront s’engager ? Nous devons faciliter la transparence dans l’exercice du choix par la population de ces deux départements. Par conséquent, plus la campagne électorale apportera des éléments précis sur les politiques qui seront conduites demain, plus le choix des populations pourra être fait en toute connaissance de cause. C’est à un bel exercice démocratique que nous sommes confrontés.