Paix et fos pou nou tout!

Vu sur le site du Scrutateur ce très beau texte de Christain VIVIES

( Récemment, à Sainte-Anne, en Guadeloupe, s'est tenu le festival annuel de Gwo-ka organisé chaque année sous les auspices de Me Félix Cotellon. Parmi les invités d'honneur de cette manifestation il y avait notre ami Christian Viviès.

M. C.Viviès est un ancien président du Medef de la Guadeloupe, et l'un des principaux chefs d'entreprise de notre département. Il est connu aussi pour son esprit d'ouverture, dont l'humour créole n'est jamais absent, cotoyant un langage où se mélangent la franchise drue et l'aménité. Le Scrutateur remercie Christian Viviès de lui avoir confié pour ses lecteurs ce texte, et quelques autres à paraître sous peu. EB).


 


 

« Messie et Dam Bonjou. En ka voyé la Paix pou zot.

Moun a l'action kiltirel, misiciens, politiciens, Moun a syndicats , travayès, patrons, fonctionnès,

En ka di zot Bonsoi et en ka voyé la Paix pou zot toute.

Cotellon Félis ou ce boug en moin. Ka ou fè ? bitin aw ka mâché ? Festval ka roulé ? En bien content pouw. Bravo !

Félis ou cé on grand nomme, déjà ou ni on bel taille,

mais l'esprit aw pli fô encô. Travail la ou ka fait la, ce on bel travail. Bravo !

Félis en ka voyé on fos pouw. Pou ou voyé bitin la monté pli haut encô.


 

Mesdames, Messieurs je poursuis mon intervention en Français par courtoisie pour nos auditeurs non créolophones.

Pendant de nombreuses années, mon activité professionnelle et ma curiosité naturelle m'ont amené à visiter de nombreux pays sur tous les continents.

J'ai découvert des endroits merveilleux et pour certains d'entre eux, j'ai ressenti de véritables coups de foudre :

Le YEMEN, la CHINE, l'INDE, l'EGYPTE et la MONGOLIE par exemple.


 


 

Les paysages sont magnifiques, les civilisations sont immenses et les peuples sont remarquables de courage et de spiritualité.

A peine débarqué, j'étais sous le charme de ces pays,

mais chaque fois, je réalisais qu'au bout de quinze jours au plus, j'avais envie de rentrer CHEZ MOI.

Brusquement, j'avais besoin des odeurs, des musiques, des lumières, des rivières.

J'avais besoin de GUADELOUPE, j'avais besoin de MON PAYS.

Mon Pays n'est pas à Moi, il est à ceux qui l'aiment,

qui le développent, qui le respectent.

Il à vous, il est à moi, il est à NOUS.

La GUADELOUPE est notre pays, même si la France est notre Patrie.

La PATRIE :

- C'est le Père qui nous protège

- C'est l'armée qui nous défend

- C'est la justice qui nous sécurise

- C'est la monnaie qui nous stabilise.

Mais la patrie c'est aussi la Mère qui vient nous secourir :

- Quand nous subissons les 7 fléaux de l'Apocalypse,

  • Quand nous sommes ravagés par les cyclones, les tremblements de terre, les épidémies etc... etc...


 

Nous aussi, nous devons aller à son secours quand elle est en danger, et c'est bien ce que nos aînés ont fait, avec un immense courage pendant la dernière guerre, et c'est ce que la France a reconnu solennellement, par la voix de son Président de la République, lors de sa visite récente aux Antilles. Voilà pour la Patrie.


 

Mais revenons à notre PAYS et à notre chanson,

puisque Félix m'a demandé d'intervenir sur mon ressenti du slogan désormais célèbre :

« La Guadeloupe c'est tan nou, la Guadeloupe c'est pas ta yo. »

Le slogan affirme une identité guadeloupéenne  C'est "tan nou » et dénonce le fait qu'il existe sur le territoire de la Guadeloupe des hommes et des femmes qui ne peuvent se prévaloir de cette identité et qui pourtant auraient la prétention de diriger le pays :  C'est "pas ta yo ».

Comme dans le même temps le discours était largement diffusé dans les média et propagé dans la population, que la « profitation » était une maladie génétique des Békés, la PENSEE UNIQUE s'est répandue, que les Békés étaient les principaux Responsables des problèmes de la Guadeloupe.

« Qu'ils n'oublient pas qu'ils ne représentent que 1% de la population et que par conséquent, on a les moyens de les contraindre à quitter la Guadeloupe, s'ils n'obéissent pas et s'ils ne signent pas le document qu'on leur présente ».

Pour anticiper et paralyser d'avance toute réaction de la justice française à ce projet d'exclusion, on avait pris soin de rappeler abondamment que les Békés étaient quasiment tous des descendants d'esclavagistes.

Ils étaient donc, en quelque sorte, par transmission sanguine à travers une dizaine de générations, COUPABLES de crimes contre l'humanité et donc INDEFENDABLES. Et la République est tombée dans ce piège. Et j'ai entendu de Hauts Responsables de la République déclarer que les Békés doivent signer, comme si en France, on avait créé spécialement pour Nous, un nouvel article du Code du Travail qui dirait qu'en matière de négociations sociales, les parties avaient la liberté de négocier, SAUF les Patrons Békés qui devaient EUX signer tout ce qu'on leur présentait.

Voilà, Félix, ce que J'AI RESSENTI. Et je n'ai pas voulu édulcorer mon discours, par respect pour toi et pour notre auditoire.

Et Maintenant, qu'est-ce qu'on fait de notre Pays ?

Mesdames et Messieurs, face aux événements dramatiques de l'Histoire, Et Dieu seul sait si l'Esclavage en a été un, considérable et totalement condamnable, Deux options sont possibles : Celle de la Revanche :

- C'est celle d'Israël contre la Palestine ou De la Palestine contre Israël

- C'est celle de l'Amérique contre Al Qaïda ou

- D'Al Qaïda contre l'Amérique

C'est un déchaînement de violences qui se transmet de générations en générations sans issue et sans espoir.

L'autre option c'est celle de la Réconciliation :

- C'est celle de Martin Luther King en Amérique

- C'est celle de De Gaulle avec l'Allemagne

  • C'est celle de Nelson Mandela en Afrique du Sud


 

Et c'est celle qui permet aujourd'hui,

60 ans après la fin de la Ségrégation

à un Métis de Père Noir et de Mère blanche,

d'être élu Président de la plus grande Démocratie du Monde,

par plus de 100 millions d'électeurs

de toutes couleurs et de toutes races.

Naturellement, c'est cette voie de la Réconciliation que j'ai choisie comme, j'en suis convaincu, la très grande majorité des Guadeloupéens.

C'est celle qui nous permettra d'avancer, de progresser, de partager un Nouveau Rêve,

Et de construire ENSEMBLE un projet fédérateur pour notre pays, que nous serons fiers de transmettre à nos enfants.


 


 

Christian Viviès.